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Peter T McCarthy, « J’ai toujours été captivé par l’art africain de plusieurs cultures, périodes et disciplines… »

Firmin Koto | | Art contemporain

Peter T McCarthy

Diplômé des beaux-arts (Sydney, 2001) avec une spécialisation en textile, Peter T. MCCARTHY vit en Afrique depuis 2010, mais n’est revenu à la pratique artistique professionnelle qu’en 2018. Sa pratique traverse les frontières entre les textiles, la peinture et l’impression. Peter est intrigué par l’intersection entre la foi et l’expérience vécue. En utilisant un vocabulaire personnel de symboles, où la couleur, les motifs, les matériaux et le processus jouent un rôle important, Peter crée des œuvres abstraites audacieuses qui offrent au spectateur un espace de méditation. Du 10 décembre 2021 au 9 Janvier 2022, La Rotonde des Arts contemporains d’Abidjan Plateau accueillera son exposition « Rencontre insolite ».

Peter T McCarthy, vous êtes né et avez grandi à Sydney en Australie. Qu’est-ce qui vous ramène en Afrique, plus précisément en Côte d’Ivoire ?

J’ai toujours été captivé par l’art africain de plusieurs cultures, périodes et disciplines. Avec ma femme, nous avons quitté l’Australie pour l’Afrique en 2009 pour servir en tant que missionnaires dans la formation des pasteurs. Pourquoi la Côte d’Ivoire ? Abidjan de toute façon est cosmopolite, un vrai meeting pot culturelle et en même temps une référence pour la sous-région.

L’amoureux pour l’art, la nature et les cultures africaines justifierait-il cette expatriation, comment gagnez-vous votre vie en Côte d’Ivoire ?

Dieu pourvoit.

En quoi estce que votre spécialisation en textile et le tissage dans votre vie de professeur des arts plastiques en Afrique peuvent influencer la création artistique ?

Pour préciser, je ne suis pas professeur des arts plastiques ici en Côte d’Ivoire. Concernant votre question, ce que le tissage et les textiles m’ont appris c’est la puissance des matériaux et les   processus la création comme motrices du message. C’est-à-dire ce n’est pas seulement l’image qui parle dans une œuvre, mais la matière utilisée et le processus entamé. Je vois beaucoup de jeunes artistes à la recherche d’une écriture artifice qui ferait buzz, mais qui ne rime pas avec leur thématique, encore moins avec leur propre histoire. Ce qu’il faut reconnaitre c’est qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. La seule chose unique c’est l’artiste lui-même, l’individu. Donc au lieu d’utiliser les matériaux et techniques pour chercher un buzz, il vaudrait mieux chercher à s’exprimer eux-mêmes, leurs histoires, leurs vécus, leurs passions, etc. à travers une sélection réfléchie et authentique des matières et techniques.

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Avant de revenir en Afrique occidentale, votre retour au monde de l’art avait été célébré par cette exposition personnelle intitulée “Liminal View” en avril 2019.  Pouvez-vous revenir sur les points clés de cette exposition ?

En fait la collection Liminal View, j’ai créé d’abord pour moi-même, genre thérapie un peu. En l’espace de quelques mois, j’ai vu disparaître l’avenir que j’avais envisagé, le métier pour lequel je m’étais formé pendant plus de 10 ans, la personne que j’aimais être, l’entourage que j’aimais. J’étais désemparée et j’ai commencé à découper les notes d’étude de mon doctorat parce qu’elles me semblaient inutiles. J’ai commencé à réorganiser ces objets en de nouveaux motifs et j’ai réalisé que Dieu peut faire de la beauté à partir du chaos – en fait, c’est ce qu’il excelle à faire ! C’est l’acte de créer ces œuvres de peinture et collage qui m’a amené à cette prise de conscience. Je me suis senti obligé de ne pas garder cette réalisation pour moi. L’exposition a donc eu lieu à Katoomba, Australie en 2019, et s’est très bien vendue – ce qui, je l’espère, signifie que mon histoire a trouvé un écho chez les gens.

Peter T McCarthy on ne saurait parler de vous sans faire allusion à cet autre pan de la vie. Vos études supérieures en théologie et vos activités de missionnaire protestant au Burkina Faso. Expliquez-nous.

Oui, depuis 2010 je vis en Afrique. Au Burkina je travaillais dans une école biblique pour une ethnie/ langue nationale. Pour mon doctorat j’ai fait de la recherche dans l’éducation traditionnelle dans cette ethnie pour trouver la meilleure méthodologie (pédagogie) à employer dans la formation des pasteurs futurs. Avec la situation sécuritaire dans le pays, nous avons dû quitter le pays définitivement en 2018.

Je me considère toujours comme missionnaire, sauf que maintenant l’art c’est mon activité. J’ai appris que la beauté invite à la curiosité alors que le pontage repousse les gens. Beaucoup de chrétiens pensent que la culture du monde est à éviter et à nier. Pas moi ! Nous devons plutôt nous engager avec la culture, et créer le monde que nous souhaitons vivre.

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Pour revenir à l’art, vous vous appropriez la versatilité ́ des textiles pour évoquer une expérience humaine profondément sensorielle. L’humain, le textile et la sensorialité, quelle importance pour la mode aujourd’hui ?

La vitesse avec laquelle on confectionne, et jeté les habits est à revoir. Toute notre vie terrestre, on est entourés, bercés accompagnés par les textiles. On a oublié leur valeur, la peine avec laquelle on exploite, colorie, confectionne et tout l’effort et l’amour des personnes qui font partie de tous ces processus. Pour moi ce parcours est parallèle au nôtre, et donc l’ignorer ou pire le banaliser c’est d’oublier un peu notre humanité.

Comment percevez-vous cette spiritualité ́ et l’innovation créative à travers vos pièces émouvantes et parfois surprenantes qui entremêlent des thèmes intimes ?

Mes œuvres sont le fruit de ma compréhension de la spiritualité. Ma vie et mes expériences. Elles sont créées en méditant et priant et j’espère qu’elles créent aussi un espace / moment de méditation pour le spectateur à son tour. Elles sont innovantes, car je n’adresse pas les choses de façon directe. Une amie et collègue dit que la poésie est plus puissante que des paroles. J’emploie des symboles personnels, et métaphores pour exprimer mes idées. Si je prêche, je le fais à l’oblique.

Que devait-on finalement retenir du monde intérieur de Peter ?

J’espère toucher mon audience en partageant mon histoire. Qu’ils partagent également la leur pour enrichir le monde.

 

Firmin KOTO

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