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L’art contemporain africain en pleine expansion

Alexandre Martin | | Art contemporain
Artcontemporain Africain
© Frédéric Garat

La 15ème édition de la Biennale d’art de Dakar qui vient d’ouvrir ses portes témoigne d’un phénomène remarquable : l’ascension fulgurante de l’art contemporain africain. Les espaces d’exposition et les institutions culturelles se développent rapidement, tandis que les créateurs du continent gagnent en reconnaissance internationale et leurs créations attirent de plus en plus d’acheteurs.

Les artistes contemporains africains, qu’ils soient sculpteurs, peintres ou photographes, connaissent un succès grandissant. D’après les données d’Art Basel en Suisse – l’une des plus prestigieuses foires d’art contemporain au monde – la valeur des œuvres d’artistes africains sur le marché est passée de 47 millions de dollars en 2021 à 63 millions l’année d’après. Cette réussite se traduit notamment par l’émergence de nombreux espaces d’exposition à travers le continent. Yacouba Konaté, qui dirige la galerie de la Rotonde des arts, l’une des pionnières à Abidjan, a observé cette évolution depuis le début des années 2000.

« Si je prends l’exemple d’Abidjan, en 2006 il y avait peut-être trois ou quatre galeries mais l’année dernière on était onze, ce qui renvoie aussi à l’effectif de plus en plus grand d’artistes pertinents. Moi, j’en reçois au moins cinq par semaine qui viennent me montrer ce qu’ils veulent faire. Et puis tu as des collectionneurs qui commencent à s’intéresser à cet objet dans la mesure où tout le débat sur le patrimoine incite chacun à comprendre que le patrimoine de demain, c’est l’art contemporain d’aujourd’hui  ».

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Ateliers de rue au Togo © Metis

Un patrimoine artistique qui nécessite un accompagnement dans son développement. Au Cameroun et en Tunisie notamment, l’Agence française de développement (AFD) apporte son soutien à deux centres artistiques majeurs, comme le détaille Gaëlle Mareuge, responsable des industries culturelles et créatives à l’AFD.

« On a le projet qui s’appelle Bandjoun Station au Cameroun, qui est porté par Barthélémy Toguo qui a pour objectif de rehausser le niveau et la qualité de production des filières artisanales en Afrique. L’idée, c’est de stimuler la création avec des résidences d’artistes, des œuvres monumentales et de favoriser la professionnalisation des artistes. Avec Afrique créative (programme d’incubation ndlr), on a le projet Cloud Visual Art en Tunisie qui propose d’utiliser la plateforme archive art qu’ont Wafa Gabsi et Khalil Liouane. C’est aussi une plateforme d’expertise qui permet dans l’art contemporain, d’avoir en fait une galerie virtuelle pour refléter aussi les tendances digitales contemporaines »

Cette reconnaissance artistique croissante engendre un autre phénomène encourageant : les artistes plasticiens de renom international choisissent désormais de retourner dans leurs pays d’origine pour créer des structures ou des ateliers de création. Olivier Sultan, directeur de la galerie photo Art-Z à Paris, rue Keller, salue cette évolution.

« Tout ça, c’est un phénomène relativement nouveau et que je trouve vraiment très important parce que quand on regarde l’essor de l’art contemporain, que ce soit occidental ou chinois ou américain, ça a toujours été accompagné d’un soutien local. Et là, comme le soutien de certaines autorités se fait attendre, les artistes les plus reconnus prennent l’initiative et se disent : « Bon, on va pas attendre de nos gouvernements qu’ils mettent la main à la poche ! On va le faire nous-même ! » Donc, ça c’est vraiment très positif. Avant le succès se matérialisait par une installation en Occident. Maintenant ça commence à être matérialisé par un retour, un retour au pays ».

Cette dynamique est illustrée par l’artiste peintre Bill Kouélany, qui a fondé les Ateliers Sahm à Brazzaville. Actuellement à Dakar, elle guide d’autres artistes africains émergents, avec le soutien du Fonds Metis, pour les aider à appréhender les réalités du marché lors de la biennale.

«« Oui ! L’idée qui me vient c’est de me dire : « Mais quoi faire pour les jeunes ?! » Vendre à Brazza ça ce n’est pas évident. Ça c’est clair. Je pense qu’un artiste peut passer peut-être toute une année sans même vendre. Par contre, depuis 2014, j’emmène les artistes à la Biennale de Dakar. Donc il y a une certaine fidélité des collectionneurs quand ils entendent parler des Ateliers Sahm, forcément ils viendront au rendez-vous. Donc, on espère effectivement que les jeunes auront la possibilité de pouvoir vendre ! », explique-t-elle.

La Biennale de Dakar prévoit d’accueillir plus de 400 000 visiteurs d’ici le 7 décembre. Si tous ne seront pas des acheteurs potentiels, chacun pourra néanmoins apprécier la richesse et le dynamisme de la création artistique africaine contemporaine.

Alexandre Martin

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