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Trop peu nombreux, trop exposés : le quotidien invisible d’un jeune ASH

Christine Avignon | | Société
Le Quotidien Invisible Dun Jeune ASH
Image d’illustration

« On encaisse, mais ça marque »

Il n’a que 22 ans, mais déjà une expérience marquée par la dureté du terrain. En tant qu’Agent des Services Hospitaliers (ASH) en structure, il fait face à des cadences soutenues, à un manque de personnel criant et parfois à des situations éprouvantes : gérer des comportements imprévisibles, ou encore réaliser la toilette de résidents après leur décès. Il raconte un métier physique, souvent invisible, où l’humain est partout… mais où l’épuisement guette.

À seulement 22 ans, vous travaillez déjà comme ASH en structure. Qu’est-ce qui vous a amené à ce métier ?
J’ai toujours aimé le contact avec les personnes porteuses de handicap. J’avais envie de pouvoir les accompagner dans leurs gestes quotidiens. Pour les personnes plus âgées, je souhaitais rendre leur fin de vie plus agréable.

Comment se passe une journée type pour vous ?
Quand je suis de jour, je commence à 7h00. À mon arrivée, je lis les transmissions. Ensuite, je fais le tour des chambres. Si quelqu’un est réveillé, je lui fais sa toilette et je lui sers son petit-déjeuner.
Je travaille dans un service de quinze résidents. J’ai toute la matinée (cinq heures) pour m’occuper d’eux. Je vide les sacs de linge sale et, avant de quitter la chambre du résident, je fais le bio-nettoyage*. Je m’occupe aussi de la vaisselle.

À midi, je sers le déjeuner. Une fois que tout le monde a fini, avec la relève d’après-midi, j’accompagne les résidents aux toilettes. Je dois écrire mes transmissions. Je termine ma journée à 15h00. J’ai 30 minutes de pause pour le déjeuner. Avant de partir, je dois aller vider les poubelles, emmener le chariot de linge sale dans le lieu de stockage et refaire le tour des chambres pour vérifier qu’il ne manque rien (serviettes, gants de toilette, protections, pyjamas, etc.).

Est-ce que certains gestes ou moments sont particulièrement éprouvants physiquement ou émotionnellement ?
Dans mon service, en théorie, il ne devrait y avoir personne en fauteuil ou nécessitant une aide mécanique pour le lever et le coucher. Dans les faits, nous avons régulièrement des résidents dans cette situation et nous devons les gérer seuls, ce qui est très compliqué.

Émotionnellement, ce qui est difficile, c’est lorsque l’on se fait frapper ou insulter. On encaisse, mais ça marque. Ce qui me touche beaucoup aussi, c’est quand je vois les proches repartir en pleurs. Dans ce cas-là, j’essaie de les orienter vers la psychologue de l’établissement.

Lorsque vous êtes confronté à des comportements violents ou dangereux de la part des résidents, comment vous protégez-vous ?
On isole la personne en crise du reste du groupe. Si elle est vraiment trop énervée, on appelle l’infirmière pour savoir s’il est possible de lui administrer un médicament. C’est ce que l’on appelle le protocole.

Vous avez évoqué le sécuridrap. En quoi cela consiste et dans quel contexte devez-vous l’utiliser ?
C’est un couchage de sécurité pour prévenir les chutes des personnes désorientées pendant leur sommeil, mais on peut aussi l’utiliser dans d’autres contextes. Récemment, par exemple, j’ai dû l’utiliser pour une personne qui arrachait sans cesse sa sonde urinaire la nuit.
Par contre, c’est uniquement sur prescription médicale, car il doit absolument être adapté à la taille de la personne. Sinon, cela peut être très dangereux.

Vous parlez souvent du manque de personnel. Concrètement, quelles conséquences cela a-t-il sur votre travail et sur les résidents ?
Quand l’équipe est au complet, il est beaucoup plus simple de gérer les situations compliquées ou les conflits. À deux, on ne peut pas être partout à la fois. On est aussi plus facilement irritable. Cela détériore les relations, tant avec les collègues qu’avec les résidents.

Vous êtes également amené à faire la toilette de personnes décédées. Comment avez-vous vécu cela la première fois ? Et aujourd’hui ?
La première fois, lorsque je suis entré dans la chambre, c’était un homme, et cela m’a fait un choc. Cela a fait remonter le souvenir d’un proche que j’ai perdu. Je n’ai pas pu faire la toilette.
Par la suite, j’ai réussi à faire celles des femmes, mais je ne suis toujours pas parvenu pour l’instant à faire la toilette d’un homme. Heureusement, c’est assez rare que des personnes décèdent dans mon service.

Qu’est-ce qui vous pèse le plus au quotidien : la charge physique, le rythme ou le manque de reconnaissance ?
Comme je suis encore jeune, physiquement je n’ai pas trop de problèmes pour l’instant, mais mes collègues plus âgés se plaignent souvent du dos ou des épaules.

Au quotidien, c’est surtout le manque de personnel qui est compliqué à gérer, parce que pour cette raison, on est amené à faire beaucoup plus de choses que ce que l’on est censé faire normalement. Parfois aussi, on nous demande de venir travailler sur nos jours de repos, et on ne les récupère pas. Je pense que c’est à cause de la convention particulière qui régit les services hospitaliers. Bien sûr, on n’est pas obligé d’accepter, mais on le fait pour les collègues et les résidents.

Avez-vous parfois l’impression que les ASH sont les oubliés du soin, alors que vous êtes essentiels au bon fonctionnement de la structure ?
De la part des familles, nous avons autant de reconnaissance que les aides-soignants. Ce qui est frustrant, c’est de voir que nous faisons quasiment le même travail qu’eux, mais que nous gagnons 200 ou 300 € de moins par mois, sous prétexte que nous n’avons pas de diplôme. Tout le monde peut être ASH. Pour ma part, j’ai préparé un bac « Service à la Personne et aux Territoires », mais j’ai arrêté mes études avant de passer l’examen, car je voulais travailler.

Comment vous ressourcez-vous en dehors du travail ? Est-ce facile de déconnecter quand on est exposé à autant de tension ?
Je dors beaucoup, parce que le travail est usant… Et sinon je passe du temps avec ma famille et mes amis. J’ai de la chance : j’arrive assez facilement à faire la part des choses. Quand je ne suis pas au travail, je n’y pense pas trop.

Si vous pouviez faire passer un message à ceux qui ne connaissent pas ce métier, que leur diriez-vous ?
C’est un métier formidable, et je ne regrette absolument pas de l’avoir choisi. Grâce à mon travail, j’en apprends tous les jours un peu plus sur moi-même. C’est un vrai bonheur de réussir à donner le sourire aux résidents. J’imagine que ma présence leur fait du bien.

Enfin, quelle est la question que l’on ne vous pose jamais et que vous aimeriez que l’on vous pose ?
J’aimerais bien que mes responsables me demandent de temps en temps comment je vais…

Christine Avignon

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