Musique : Hawa Boussim, du village aux scènes mondiales
À 46 ans, Hawa Boussim mène de front sa vie de mère de famille dans un petit bourg burkinabè et sa carrière internationale. Son talent éclate dans son deuxième album, Mingoureza.
C’est un tube controversé qui a fait exploser sa notoriété, en avril dernier. Déjà visionné près de 200 000 fois sur YouTube, le clip Koregore a donné un coup de fouet à la carrière de Hawa Boussim, récemment signée par Sony Music. Mêlant danses tribales et scènes de club, la vidéo du réalisateur ivoirien Jypheal Tayorault évoquait en fait un problème de société assez éloigné des dance floors, celui du gaspillage en général et alimentaire en particulier. « Je m’adresse aux femmes qui doivent gérer les travaux ménagers, la cuisine, nous explique-t-elle. Je les invite à ne pas jeter les céréales par la fenêtre. » Ce n’est pas le discours traditionaliste qui a choqué certains auditeurs, mais la couleur sonore du morceau, trop moderne et pas assez respectueuse des traditions burkinabè.
Entre deux mondes
Un pied dans son village de Kipoura, dans le département de Zabré, à environ 200 km de Ouagadougou, un autre dans le star-système, Hawa Boussim est un ovni dans le paysage musical international.
Cette mère de six enfants (quatre filles et deux garçons) arrive relativement tard, à 46 ans, sur le devant de la scène, après avoir chanté depuis l’âge de 14 ans pour les baptêmes, les mariages et les funérailles dans son village.
Autre singularité pour une artiste de ce niveau, elle est la troisième femme d’un foyer de quatre épouses. « Ce n’est pas un souci de conjuguer carrière et polygamie, car nous vivons en harmonie dans notre famille, témoigne-t-elle. Je m’entends bien avec mon mari, mes enfants, mes coépouses… C’est parce que j’ai leur bénédiction que je peux partir en tournée et continuer à avancer sur la voie artistique. Quand je ne suis pas là, la famille s’occupe des enfants. Quand je rentre, je reprends mon rôle de femme au foyer. »
Elle qui n’a pas pu aller à l’école veille à ce que ses fils et ses filles suivent des études. « C’est important ; si j’avais suivi un enseignement, je n’aurais pas besoin d’un interprète », rigole-t‑elle en se tournant vers son manager (et frère) qui l’accompagne pour l’entretien et traduit ses paroles de la langue bissa au français.
Aujourd’hui, explique la chanteuse, ce sont ses prestations qui lui permettent de payer les frais de scolarité de ses enfants.
Le show a cappella
C’est grâce à l’un de ses parents, Jean-Pierre Boussim, directeur d’une radio de Zabré, qu’elle a pu enregistrer son premier album autoproduit, Môbidoré, en 2011.
Elle qui dit n’avoir longtemps pas eu « de téléviseur ou de radio » pour relayer son message a ensuite parcouru les grandes scènes, du Burkina à la Côte d’Ivoire, en passant par l’Europe et les États-Unis (ce qui ne l’empêche pas aujourd’hui de continuer à chanter pour les cérémonies de son village).
Un de ses souvenirs les plus forts ? Les Kundé, les trophées de la musique du Burkina, en 2013 : son concert est brutalement interrompu par une coupure d’électricité… qui n’empêche pas la chanteuse de continuer le show a cappella ! « Quand on jouait de la musique, au village, on n’avait pas besoin de branchement, ça n’a pas fait une grosse différence pour moi », sourit-elle avec humilité.
Son album Mingoureza, sorti le 20 octobre, confirme sa capacité à marier chant traditionnel en bissa et musique de club, mais pas seulement.
On entend aussi des compositions jazzy ou latinos ! Grâce à sa virtuosité vocale, ses modulations, ses vibratos, son timbre grave reconnaissable entre tous, elle maintient la cohérence de l’ensemble.
On pourra reprocher des arrangements froids, synthétiques, qui cherchent parfois la facilité, mais Hawa Boussim s’aventure au moins sur des pistes inexplorées. Espérons que son public suivra.
Source : JeuneAfrique