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La musique en Afrique du Sud : Une arme de combat.

Mireille Abie | | Musique

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Si Myriam Makeba, qu’on appelait aussi la ‘’Mama Africa’’ est l’une des rares artistes sud-africaine qui a pu percer les murs de l’Apartheid pour porter la musique et la culture sud-africaines au-delà des frontières de l’Afrique du Sud, la musique de ce vaste pays multiracial situe à la pointe du continent africain, dans l’hémisphère sud, est beaucoup plus fournie.

C’est même toute une histoire ! Une histoire qui est restée intimement liée à celle de la situation sociopolitique du pays qui a pendant longtemps été dominée par l’Apartheid. Miriam Makeba fut certes la seule à porter hors des frontières le chant sud-africain dans son expression la plus accessible, mais sur place dans le pays, durant les années d’apartheid, des groupes ont incarné la révolte dans les townships. On a par exemple les Mahotella Queens, accompagnées de Mahlathini Nkabinde, « Le Lion de Soweto ».

Ce groupe s’est appuyé sur la tradition vocale du Mbaquanga, rythme très dansant, mêlant la tradition musicale zouloue, sotho et xhosa au maribi, au rythm’n blues, à la soul et au gospel. On a également les Ladysmith Black Mambazo, créé par Joseph Shabalala, dont les chants exprimaient toute la sensibilité de l’âme zouloue. Même dans les églises et temples, les extraordinaires polyphonies vocales qu’on entendait n’étaient que l’expression de cette Afrique du Sud qui bouillait de se défaire des chaines de la servitude et de l’oppression. Chacun y allait de son rythme l’essentiel étant de mener le combat anti-apartheid en synergie. C’était donc une lutte commune contre la déshumanisation des noirs à laquelle certains blancs, même s’ils sont rares, n’ont également pas hésite à prendre part. S’il s’est fait discret ces dernières années, Johnny Clegg, reste d’ailleurs le symbole musical de cette lutte multiraciale contre l’Apartheid.

Le « Zoulou blanc » comme on l’appelle a fortement influencé la musique sud-africaine à une époque. Il a aussi donné naissance à la world music en refusant les barrières raciales et en mélangeant, dès 1976, avec son ami Sipho Mchunu au sein du groupe Juluka des rythmes et paroles de l’Occident à la musique zouloue traditionnelle. Avec son nouveau groupe, Savuka, créé en 1985, Johnny Clegg s’est fortement engagée dans la lutte anti-apartheid. Le reggae qui était déjà une musique de combat a naturellement participé à la messe contre l’apartheid. Ce rythme a longtemps été incarné par Lucky Dube. Mais ce mouvement musical mêlant révolte politique et quête spirituelle est aujourd’hui supplante par un courant beaucoup plus radical le Kwaito.

Ce rythme dans lequel la jeune génération se reconnait plus est né entre la fin des années 1980 et le début des années 1990. Le kwaito, dont Brenda Fassie reste incontestablement l’une des icônes, est un genre musical venu des townships de Durban et de Johannesburg et constitue un mélange de paroles crues portées par un savant alliage de house américaine, de jungle londonien, et de Ragga. Même si l’Apartheid est aujourd’hui perçu comme un lointain souvenir le combat par la musique se poursuit puisque le Kwaito parle de tout. Sida, chômages et autres problèmes sociaux. Bongo Maffin, Boom Shaka, TKZee, Arthur, Mdu Masilela, Zola, Mandoza, Mafikizolo, Mzekezeke. Ce sont là quelques noms de faiseurs de Kwaito, un rythme qui a fini par sortir des townships pour s’imposer comme une fièvre nationale.

La musique d’Afrique du Sud a une histoire riche et complexe, à l’image de celle du pays dans lequel elle prend vie. C’est certes une musique qui prend sa source dans les traditions ancestrales mais qui s’est laissée fortement influencer par la lutte contre l’apartheid. Elle a donc connue une véritable révolution des formes musicales. Des formes musicales qui étaient à la réalité fonction des nouvelles orientations qu’il fallait donner à la lutte.