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Interview-Portrait GILBERTO GIL : ”Chaque matin, il y a un nouvel élément qui s’ajoute à votre identité”

Jean Marc Kouassi | | Musique

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Né à Salvador de Bahia (Brésil) le 26 juin 1942, Gilberto Passos Gil Moreira est avant tout musicien, chanteur, compositeur et titulaire d’un diplôme en Gestion Administrative. Gil commence sa carrière comme musicien de Bossa Nova, et se met rapidement à composer des chansons centrées sur la politique et l’activisme social, avec son camarade de tous les jours, Caetano Veloso.

Dans les années 70, Gil enrichit sa musique de nouveaux éléments, inspirés de la musique africaine et nord-americaine. Continuant sa carrière, il écrit également des textes comme “Eu vim da bahia” pour d’autres artistes à l’instar de joào Gilberto considéré comme le principal créateur du Bossa Nova. En 1969, Gil et Veloso, dont l’importance au Brésil est comparable à celle de John Lennon et Paul Mc Cartney (Beatles) dans le monde Anglophone, sont taxés de subversion et emprisonnés par le régime militaire brésilien instauré en 1964. C’est en prison que Gil commence à s’interesser aux religions orientales et devient végétarien.

Une fois relâchés, Gil et Veloso s’exilent tous deux à Londres. Gil joue alors avec les groupes Yes, Pink Floyd et Incredible String Band, tout en continuant sa carrière solo. Dans les années 70, il fait une tournée aux États-Unis et enrégistre un album en anglais. Il travaille aussi avec Jimmy Cliff et sort en 1980 une version portugaise de “No woman, no cry” du célèbre Bob Marley, qui introduit le reggae au Brésil, et y connaît un grand succès. L’un de ses plus grands succès est le titre ”Toda menina baiana” sorti en 1979. Il continu à enrégistrer des disques et à donner des concerts, mais s’implique également dans diverses causes sociales. Au début des années 90, il se lance en politique et devient conseiller municipal à Salvador, sa ville natale. Son album “Tropicália 2” avec Caetano Veloso, sorti en 1993 comporte une chanson de Jimi Hendrix, “Wait until tomorrow”, et est considéré comme l’une de ses meilleures réalisations depuis la fin des années 60.

Gilberto Gil est Grand officier de la légion d’honneur français (la plus haute distinction instituée le 19 mai 1802 par Napoléon Bonaparte), lauréat 2005 du Polar music prize- winning (Prix polar music) décerné chaque année par l’Academie royale de musique de Suède. Une fois le Président Lula Da Silva est élu en janvier 2003 à la tête du Brésil, Gilberto Gil est promu ministre de la culture… à juste titre.

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Comment doit-on vous appeler, Monsieur le ministre ou
Gilberto Gil?

Comme vous voulez.

Comment les gens vous appelent au Brésil?
Comme ils veulent.

Comment vivez-vous vôtre vie de ministre?
J´ai décidé avec Lula, (président du Brésil) de dédier 80% de mon temps de musicien au poste de ministre et de garder
20% à la vie artistique. Ce n´est pas très difficile, ce sont
deux univers différents. L´influence que le ministère a sur
ma vie artistique est positive, et vice-versa. Pour les gens de
la rue c´est aussi un symbole d´une certaine nouveauté de
qualités différentes de rapport entre l´état et la société.

Est-ce vos qualités ou vôtre popularité qui ont fait que vous avez eu ce poste de ministre?
Seulement le président Lula peut répondre (sourire)
Il sait pourquoi il m´a choisi. Je peux risquer de répondre
que c´était pour les deux. Il m´a dit, je me souviens:
“Bon, écoute Gil, va au ministère et fait ton travail comme
tu fait ton travail artistique.” C´est ce que j´essaie de faire.
Et la dimension que j´ai eu au niveau de la société aide
beaucoup à la popularisation du ministère.

Les musiciens ont leur propre language qui est le solfège,
les politiciens aussi ont le leur. Avez-vous appris une
nouvelle facon de vous exprimer depuis que vous êtes
ministre?

Il y a toujours la possibilité de faire la traduction (sourire)

Au moment de vôtre arrivée au ministère de la culture,
certains membres du parti des travailleurs étaient décus
parcequ´ils avaient un projet culturel.

Ce n´est pas mon problème, mais le parti des travailleurs
dont vous parlez, trois de ses membres sont dans mon
ministère. Un au sécrétariat de la musique, l´autre au
patrimoine et le troisième à la fondation des arts.
Il y a une cohabitation, ca s´ajuste.

Pouvez-vous nous parler de l´identité brésilienne?
L´identité c´est une accumulation des choses.
On ne peut pas dire voila, j´ai l´identité brésilienne
dans ma main. C´est une construction avec un niveau
subjectif. Chaque matin, il y a un nouvel élément qui
s´ajoute à l´identité d´un pays. En ce qui concerne
l´identité du Brésil, cela a commencé par les portugais
et les indiens locaux qui étaient là au commencement
de la civilisation. Aujourd´hui, il y a une federation
démocratique, pluraliste, internationaliste qui se raporte
à l´Europe, aux Usa , à l´Afrique et à l´Asie.
Il y a un heritage africain très important au Brésil.
C´est une identité complexe formée par beaucoup de choses.
Si j´étais appelé pour donner une definition precise de
l´identité brésilienne, je réfuserais.

Depuis 1960 et depuis le “Tropicalisme”, vous avez
ardemment défendu la musique brésilienne. Or, vous avez fait
une parenthèse dans vôtre carrière, avec un album de reprises
de chansons de Bob Marley. Quel était le sens de cette
demarche?

Marley est un artiste dont la musique me plait beaucoup.
C´était donc une question de plaisir et d´amour.
Il y avait aussi l´homme derriere la musique. Un noir dans
La jamaique, petite nation colonisée par les anglais. Il avait
un rapport à l´Afrique mere, et il évoquait la question de
l´esclavage, des droits de l´homme et de la citoyenneté.
Bob Marley était un guerrier qui dédia sa vie à la constitution
d´une société noire.
L´hommage était à la fois à l´homme et à son travail.

En 1995 vous avez sorti un album intitulé ”Acoustic”.
Comment vous est venu l´idée?

Les gens de ma maison de disque m´ont donné l´idée
de faire quelque chose d´acoustic. L´idée était de le faire
en solo. J´ai donc accepté en leur disant que j´aimerais
étandre cette idée en ayant un groupe avec moi.
C´est alors que je leur ai demandé de contacter Mtv,
et voir s´ils voudraient avoir cela comme projet dans leur
unplugged (selection acoustic). J´était en fait le second
artiste brésilien à le faire. Le premier fût Joào Bosco
je crois. Finalement tout a été résolu avec Mtv et nous avons
fait l´enrégistrement.

Quel éffet cela a fait au Brésil?
Cela a fait un énorme éffet.
J´ai vendu plus de 300.000 album, ce qui est très bon
pour quelqu´un de mon statut.

J´apprécie la manière dont vous vous arrangez a être
au centre des choses pour aussi longtemp.

Merci.