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BOVICK SHAMAR : Chants d’Afrique couleur blues

Celestin Yao Koffi | | Musique

« Chants d’Afrique couleur blues », c’est la carte que déclinait le concert donné le 21 novembre 2012 au Caveau du Café littéraire de Saint-Louis (Haut-Rhin) par Bondo Gala dit Bovick Shamar. L’artiste d’origine congolaise était accompagné par un quatuor de musiciens : Thierry Kauffmann (saxophone), Jean-Claude André (trompette), Hannes Fankhauser (Bass), André Bader (batterie). L’artiste a revisité le thème de l’amour sur fond de jazz et blues, à travers 9 succès qui ont fait danser l’Afrique, Malanga, Majimba, Okosamba, Sodade, Malaïka, Wasakesho, Congolia et Tamare. Le groupe a été rejoint en fin de concert par Daniel Gélis et Daniel Casimiro sur une reprise du titre Alukeno de Bonga Kuenda.

Pour l’histoire, Bovick Shamar est le premier Maracas D’or D’Afrique. Il est chanteur, guitariste, auteur-compositeur, chef d’orchestre, producteur, écrivain, animateur d’émissions de radios et de télévisions. Bovick fut le chef d’orchestre et l’arrangeur de l’Afrisa international de Tabu Ley  Rochereau. Il exacerba son jeu de guitariste au côté de Dr Nico avec l’Afrisan fiesta sukisa. Il a cotoyé des institutions de la musique dont Uta Bella, Orch Vévé, Ok Jazz, Manu Dibango, Eddy Harris, JM Cabrimol, Jacob DesVarieux, JC Naimro, Bonga, Fela Kuti, Koffi Olomide, Gina Efongé, Azuquita y su Melao, The Fives, Pozopo Révolution, Rido Bayonne, Mbilia bel, Reddy Amisi, les Frères Labor, Sam Mangwana, Teda Lando, Richie Evans, Ray Lema, Boffi, So Kalmery, Myriam Makeba, etc. Aujourd’hui, Bovick Shamar enseigne la musique dans diverses écoles de France et de Suisse. Il donne et organise également de nombreux spectacles, au grand bonheur des mélomanes.   

 

Bovick Shamar, j’aimerais te présenter à nos lecteurs. Ton profil est artistiquement très chargé, tu es incontestablement un ténor de la musique africaine, de la musique tout court. Tu es musicien, chanteur, professeur de musique. En un mot comment peux-tu résumer tout ce background que tu as réussi à construire pendant toutes ces années ?

Merci pour ta question, je commencerai par remercier les lecteurs du magazine 100%culture, qui ne me connaissent pas beaucoup. Pour ceux qui me connaissent, de mon vrai nom je m’appelle Bondo Gala, mon nom d’artiste est Bovick Shamar, je suis de la République Démocratique du Congo. Je fus chef d’orchestre de l’Orchestre national congolais que j’ai du mener au Festac du Nigeria du temps du régime du Marechal Mobutu. J’ai dirigé l’orchestre Afrisa International de Tabu Ley Rochereau, j’ai côtoyé Joseph Kabasele, l’orchestre Verckys, j’ai tourné avec Dr Nico. Je ne sais pas si vous vous souvenez de la chanson limbisa ngaï kachita, je fais partie de ceux qui on contribué à cette chanson qui était très connue et très appréciée en Côte d’Ivoire. J’ai immigré vers l’Europe dans les années 1970 où je me suis fait inscrire au conservatoire international de musique de Paris. Après quoi j’ai pratiqué la musique classique, en essayant ensuite de faire la mixture avec la musique de chez moi pour arriver à pouvoir m’en sortir. J’ai réalisé mon premier album avec un groupe que j’ai monté à Paris qui est le Pazopo Révolution. J’ai été couronné Maracas d’or en 1980. J’ai continué mon petit bout de chemin. J’ai travaillé et je faisais de la musique, aujourd’hui je me retrouve à Saint-Louis. J’interviens également aux États-Unis, à Los Angeles. Comme je travaille de temps en temps à l’Université de Zurich avec une école qui s’appelle IME Integral Music Education où je donne des cours de musique. Je préfère habiter en Alsace, ainsi je suis proche de mon lieu de travail Zurich.

Arrives-tu à poursuivre sereinement ta carrière artistique ou y a-t-il une période de tassement au vu de la nouvelle génération montante que tout le monde connait aujourd’hui ?

J’ai eu mon temps, j’ai eu un très bon temps, j’ai vécu un merveilleux moment en tant que musicien, mais je ne peux pas dire que mon temps est passé, je m’occupe maintenant des jeunes, je fais des arrangements pour des jeunes musiciens. Je donne aussi des cours de musique à des jeunes. J’aide la jeunesse qui vient, il faut laisser la place aux jeunes. Je suis là pour pouvoir les aider. Je travaille en quartet et je suis orienté vers les expérimentations musicales. Je ne fais pas la musique pour avoir forcement du succès, ni être très connu. J’ai toujours fait de la musique sobrement. Je fais de la musique pour moi-même d’abord, parce que c’est quelque chose que j’aime, ensuite j’en fais pour les gens parce que les gens aiment. Il faut faire la musique pour la musique et non pour l’argent. La différence est là, je crois. Aujourd’hui, les gens font de la musique pour être connus ou pour avoir plus d’argent. C’est bien, mais cela n’est pas du tout mon option.

Quel type de musique fais-tu exactement ?

Je fais de la musique spontanément. Je fais de la musique issue d’un mélange entre les traditions musicales africaines en essayant de mixer le jazz. C’est une musique de recherche entre les rythmes de chez nous, les rythmes baoulés, Kongo, sud africain, mélangés à la modernité. Je travaille beaucoup à la composition de musique de film, à la musique pour les enfants, etc. c’est ce qui m’intéresse.

 

En quelles langues chantes-tu ?

Ça part du français, de l’anglais, du kikongo, du zoulou et du tshibemba. Je parle environ 5 à 6 langues africaines.

Arrives-tu à faire des tournées aujourd’hui ? Évolues-tu toujours en groupe ?

J’ai un quartet, sinon je travaille tout seul des fois. Je me déplace de moins en moins, sinon je travaille souvent dans des clubs de jazz. Je sais qu’il y a très peu d’Africains qui s’intéressent à l’afro jazz. C’est un peu dans la lignée de Manu Dibango et Hughes Mazekela.

Quand on voit cette génération musicale de l’Afrique centrale, du Congo, de l’ex-Zaïre, du Cameroun, qui a été la référence musicale majeure en Afrique, est-ce que tu n’as pas l’impression qu’il y a un petit break ? À partir du moment où cette génération phare a disparu, on a l’impression qu’il y a comme un nouveau profil musical au Congo. Que penses-tu de la nouvelle vague ?

La nouvelle vague comme je vous l’ai dit tout à l’heure, tout le monde est pressé, tout le monde veut faire de l’argent. On fait de la musique n’importe comment, c’est un peu triste. Honnêtement, je trouve que les jeunes d’aujourd’hui ne travaillent pas assez. Pour moi, ce n’est pas de la musique, il y a beaucoup de bruit. Il y a beaucoup de choses qui ne vont pas. Ça va peut-être avec nos mentalités, mais c’est la machine aujourd’hui qui fait de la musique à la place des musiciens. On n’a pas d’authenticité, il n’y a pas d’instruments, les gars n’ont pas le temps de répéter, ils n’ont pas le temps de prendre une guitare, de la travailler, de connaitre les accords et les harmonies, tout le monde est devenu chanteur, tout le monde est devenu musicien, tout le monde est devenu producteur, il n’y a pas une loi c’est le désordre le plus total. C’est exactement comme ce qui se passe en politique chez nous. Regarde donc les politiciens chez nous, n’importe qui fait de la politique or pour moi il faut quand même faire Sciences Po, connaitre un tout petit peu. Tout le monde devient politicien, tout le monde est gouverneur, c’est le chaos et le désordre total. C’est ce que je déplore le plus pour la musique africaine. En ce qui concerne la musique congolaise, sans vouloir cracher là-dessus, les jeunes d’aujourd’hui font une musique destinée uniquement au Congolais. C’est chanté en congolais, ce n’est pas une musique ouverte par exemple à l’Europe. Par exemple, Koffi Olomidé chante pour les Congolais. Magic System chante pour l’international, ils font une musique qui plait à tout le monde. Magic System chante en français, alors quand on chante en baoulé ou en lingala, on s’adresse à une ethnie bien précise. La musique congolaise a de belles mélodies, mais son gros problème est qu’elle est destinée aux Congolais.

La musique congolaise s’est-elle enfermée sur elle-même ?

Elle s’enferme dans une langue, c’est vrai qu’il faut protéger sa langue, mais je crois qu’il faut aussi s’ouvrir beaucoup plus.

Pourtant sans comprendre le lingala, nos parents d’Afrique de l’Ouest ont bien dansé sur le son des musiques congolaises et l’aimaient. Comment expliquez-vous cela ?

Du temps du Congo belge, la seule radio qui émettait le plus, c’est la radio congolaise. De nombreux pays limitrophes n’avaient pas de radios. Voilà comment la musique congolaise s’est autant diffusée. Il faut aussi noter que le Congo est également un territoire très vaste, il y a plusieurs langues et rythmes.

 

Que penses-tu de cette musique appelée Coupé décalé qui a tendance à se diffuser un peu partout en Afrique et en Occident ?

Il faut qu’on fasse la différence entre la musique et les paroles. Il faut faire la différence au niveau du rythme. Le coupé décalé est un rythme, ce n’est pas une musique. C’est un gimmick qui tourne, mais ce n’est pas une musique.

 

Qu’en penses-tu alors ?

Rythmiquement, ça bouge bien. Maintenant, voyons ce que les paroles disent. Si on n’a rien à l’intérieur de ce que le Coupé décalé veut dire, je ne vois pas le côté éducatif et prise de conscience telle que la musique de Tiken Jah Fakoly et Alpha Blondy fait. Si on parle vraiment de la musique, on parle du reggae, par exemple, qui est une musique.

Quelles sont tes références en Afrique et à l’extérieur ?

En Afrique, c’est Dr Nico, Franco Luambo Makiadi du OK Jazz avec qui j’ai travaillé. Ce sont des gens qui m’ont beaucoup marqué. Ailleurs, il y a James Brown, Otis Redding, Wilson Pickett, Louis Armstrong, etc. En classique, je peux citer Mozart, Beethoven, Tchaïkovski, etc. J’aime bien Johnny Halliday qui est un bon musicien et un très bon chanteur.

 

En Afrique, parmi tous ces jeunes de la nouvelle Vague, quels sont ceux qui t’impressionnent ?

Personne !

D’aucuns t’ont-ils approché pour que tu les guides quelque peu ?

Justement, l’erreur est là. Cependant, j’ai eu à travailler avec Koffi Olomidé. Mais il y en a beaucoup qui sont devenus tellement orgueilleux, ils se disent qu’ils connaissent tout.

As-tu des projets en Afrique, par exemple, en RDC ?

J’ai un projet qui est de construire avec mon association une école de musique. Je veux continuer dans l’enseignement. Apprendre aux jeunes la musique africaine. Il faudrait faire comme à Cuba, apprendre à lire la musique avant d’être musicien. C’est très important. La musique est mathématique. On ne l’a fait pas au hasard, c’est beaucoup de travail, ce n’est pas un métier facile.

Où as-tu appris la guitare ?

J’ai débuté la guitare très jeune, dans une école catholique au Shaba (Katanga), au Congo. C’était avec un prêtre belge du nom de Jean Bosco, qui jouait de la guitare. J’étais dans la chorale, je chantais et un jour je me suis dit que j’aimerais apprendre aussi la guitare. Ce père avait une formation classique. J’ai continué à me former petit à petit, en achetant des bouquins, puis j’ai formé un petit groupe de quartier. J’ai également côtoyé d’autres personnes qui m’ont montré les cordes de ce métier. Je me suis formé sur le tas. J’aimais tellement l’instrument que l’instrument m’a accepté. Je me suis formé ensuite à la guitare Bass, la guitare rythmique, l’harmonica, le piano, la batterie, je fais des arrangements de chœurs et de chorale (le gospel de chorale), j’ai touché à presque tous les instruments pour en connaitre le mode de fonctionnement. C’est ce qui me permet de pouvoir enseigner aujourd’hui la musique aux Européens. La première fois que j’ai donné des cours à Zurich (Suisse), il y a un jeune Suisse qui m’a dit : « c’est bizarre, comment un Noir peut apprendre la musique aux Européens ? ». C’est le monde à l’envers, les Européens ont peut-être la théorie musicale, mais la pratique et la rythmique, ce sont les Africains qui l’ont.

Peux-tu nous parler de ton spectacle à Saint-Louis, au Caveau du Café Littéraire ?

Ce spectacle est intitulé « Autour de l’amour ». C’est la deuxième fois que je joue à cet endroit. C’est un spectacle qui est basé sur l’amour dans toute sa diversité. J’interprète des musiques en Lingala et de vieilles musiques africaines. Des chants d’amour venant de l’Afrique, Angola, Afrique du Sud, Kenya. Les chants sont en Swahili, en Kikongo et en Bundu.

À l’adresse des jeunes générations, peux-tu affirmer que la musique nourrit son homme ?

Ça devient complexe en ce moment de vivre de sa musique. Avant peut-être ? Avec l’évolution de la machine, ça devient de plus en plus compliquer. Il est vrai que vivre uniquement de la musique est très difficile. Il faudrait avoir un autre boulot à côté pour compenser. J’ai toujours travaillé et je faisais la musique le week-end. En Europe, j’ai un travail sur lequel je paye mes loyers et dans même temps, je m’intéresse à la musique. Dans les temps à venir, j’ai des doutes, surtout au niveau de la musique africaine. Nous devons faire très attention, avec l’arrivée de la machine.

Perçois-tu des droits d’auteur ? 

J’ai des droits d’auteur qui me reviennent, mais ma musique n’est pas beaucoup jouée comme avant. Avec l’arrivée de la machine qui envahit toutes les radios ; j’appelle cela la musique Kleenex. On écoute une fois, on ne s’en souvient pas, après on les jette. Ce ne sont pas des musiques qui vont rester éternellement. De plus, ces machines font mal à la tête.

 

Au niveau de la RDC, y a-t-il des structures qui gèrent les droits auteurs ?

À ce sujet en RDC, c’est vraiment une catastrophe. Aujourd’hui, je ne sais pas quelles sont les structures que la RDC possède pour aider les artistes. Avant les musiciens congolais pouvaient gagner de l’argent, quand la Côte d’Ivoire était la vraie Côte d’Ivoire. Je me souviens de cette époque, où si les Ivoiriens aiment votre musique, c’est sûr que vous allez passer en Afrique. C’était comme cela qu’on voyait les choses en Afrique Centrale. Si les Ivoiriens acceptent votre musique, c’est que toute l’Afrique vous accepte. Sans passer par la Côte d’Ivoire, vous pouvez faire tout ce que vous voulez, ce n’est même pas la peine. Aujourd’hui, à ma connaissance, la RDC n’a aucune structure pour permettre aux artistes de vivre décemment de leurs œuvres. Ils sont empêchés par les jeunes combattants de venir se produire en Europe. Il y a un gros manque en gagner, parce que les artistes sont obligés de se produire dans un circuit fermé qui est le Congo. Ils font l’intérieur du pays, d’où aujourd’hui, nous avons les Mabanga ou Atalaku, on ne cite que les noms des gens, de ses copains et copines, des sociétés de boissons alcoolisées, du début à la fin du morceau pour obtenir 2 ou 3 dollars. On ne chante plus, il n’y a aucune mélodie, on va au plus vite.

 

On ne peut plus dire qu’il s’agisse là encore de musique.

 

Non, c’est de la publicité ! Les sociétés du genre achètent des instruments qu’ils mettent à la disposition des musiciens avec quelques billets de banque, ceux-ci en retour font des tournées, avec les affiches des sponsors, exhortant les populations à la consommation d’alcool.

Du point de vue structurel, quel conseil donnerais-tu donc ?  

Pour ce qui me concerne, c’est très simple. Il faut restructurer tout le système.

Concrètement que proposes-tu ?

La première des choses sera de savoir qui dirige quoi. Il y a deux mots dans le Show Business. Il y a le mot Show qui veut dire montrer. Il y a le Business qui concerne les gens qui font de l’argent. Il faut faire la différence, on fait le show ou on fait le business. L’artiste ne peut pas faire les deux. Il y a des gens qui s’occupent du business et des gens qui s’occupent du show. Au centre, il y a les ministères de la Culture et les organismes qui vérifient que tout est bien fait, que les droits d’auteurs sont payés, que les ayants droit sont payés, que les musiciens existent dans une banque de données. Il y a des musiciens professionnels, semi-professionnels et d’autres qui le font pour passer le temps. Il faudrait donc savoir les devoirs et obligations du musicien professionnel. Comment doit-il se comporter pour être professionnel ? En Europe le musicien professionnel doit être à la SACEM, il doit être déclaré, quand il donne un concert, le concert est déclaré, il a des droits, il a la sécurité sociale, il est payé et suivi. Quand il est vieux, il perçoit donc des droits. Quelle est la contribution du musicien africain ? Il fait du bruit, les ministères s’en foutent complètement, la musique est considérée comme un loisir. Les artistes jouent sans aucun contrôle. Mon conseil est qu’il faut arrêter de faire le cinéma, arrêtons tout et remettons les choses en place. Lequel est un musicien qui veut vivre de cela ? Comment sont repartis les droits ? Qui fait quoi, qui doit faire quoi et à qui remet-on l’argent ?

Les chaines publiques de radios et de télévisions diffusent bien la musique congolaise.

Elles ne payent pas les droits.

Comment les contraindre à payer les droits ?

Personne ne s’en occupe, ils s’en foutent.

 

Quand est-ce que les artistes congolais vont-ils se regrouper pour combattre cela ?

Il n’y a d’abord pas une politique culturelle. Même s’il y a quelque chose qui existe, c’est dirigé par des gens qui n’y connaissent rien. C’est comme donner une belle voiture à quelqu’un qui ne sait pas conduire, automatiquement, il y a des accidents. C’est exactement pareil. Il faut mettre les personnes qui conviennent à leur place. Ce sont des gestionnaires qui doivent gérer les œuvres des artistes. Ici, on parle des artistes-musiciens, qu’en est-il des sculpteurs, des peintres, etc., c’est aussi de l’art. En Europe, il y a des artistes qui vivent, par exemple, de la peinture et qui vivent très bien. Il y a des Congolais qui font la peinture, la sculpture, qui travaillent de façon magnifique le bois, la pierre, etc., et qui ne vivent même pas de cela. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas considéré. Nous avons un problème culturel grave.

Peut-on donc dire que l’art en Afrique et notamment en RDC risque de disparaitre parce que les artistes n’en vivent pas ?

Absolument, comme je viens de le dire, ça n’est pas structuré. Il n’y a pas une politique culturelle de valeur. Il n’y a pas suffisamment de galeries d’art, par exemple.

Qu’est-ce qui ne marche pas en Afrique finalement ?

Le colonisateur nous a montré un mauvais enseignement. Un très mauvais chemin. Les gens qui nous ont colonisés n’ont pas été gentils avec nous.

Penses-tu qu’il faut du temps pour rattraper tout cela ?

Oui, beaucoup de temps. Si nous ne commençons pas maintenant, nous serons recolonisés pour une deuxième, voire une troisième fois, etc. C’est maintenant ou jamais.

D’où le fait que tu as coupé court en décidant de venir vivre en Europe ?

Oui, vaut mieux vivre colonisé en Europe que de vivre colonisé dans sa propre maison (en Afrique). Nous sommes chez nous, nous ne pouvons rien faire.

 

L’actualité africaine de ces dernières années est chargée. Laquelle a attiré ton attention en particulier ?

Ce qui m’a vraiment touché, c’est de voir que les Africains se vendent entre eux. Je prends le cas de la Côte d’Ivoire. Je ne comprends pas qu’un Ivoirien puisse être jugé dans un autre pays.

 

Que penses-tu du cas de la Libye, ainsi que le printemps arabe ?

Est-ce que tout cela a fait avancer l’Afrique ?

On ne peut pas le dire.

Au contraire, nous avons régressé. Tout le monde veut sa part de gâteau. Pour la Libye, tout espoir est perdu. Aujourd’hui, les Ivoiriens, les libyens, les congolais, etc., sont divisés.

Au profit de qui ?

Au profit de ceux qui ont leurs intérêts chez eux.

L’Afrique est arrivée au bout d’un cycle et l’Europe est en pleine crise. Que faire ?

Je pense que c’est très simple. Il y a, par exemple, plein de chômeurs ici en France. Pourquoi ne pas les intéresser à Afrique ? Cela va résorber la crise et créer des opportunités en Afrique, car ils vont apprendre aux Africains comment cultiver la terre.

Parlez-vous de transfert de compétences ?

Exactement ! La francophonie devrait servir à cela.

 

Que voudrais-tu ajouter pour clore le débat d’aujourd’hui ?

L’Africain doit se réveiller, moralement, physiquement, mentalement. Les Chinois se sont réveillés depuis longtemps parce qu’ils ont compris le système. Eux, ils mangent chinois, ils réfléchissent en chinois, ils font tout selon l’esprit chinois. Regardez autour de nous pour voir comment ils ont infiltré l’Europe.

L’exemple africain doit-il être chinois ?

Oui, l’exemple est chinois. Vois-tu comment les Chinois sont en train de faire des affaires en Afrique ?

Penses-tu que les Chinois peuvent apporter quelque chose à l’Afrique ?

Les Européens n’ont rien apporté. Les Chinois apporteront ce qu’ils peuvent. Ils apporteront des choses qui seront certainement usées dans 10 ans, mais c’est mieux que rien.

Demeurez-vous optimiste ?

Oui, mais nous devons rapidement prendre conscience maintenant

Merci.