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Littérature : « Saisons torrides/ L’ivresse de l’amour »

Soile Cheick Amidou | | Litterature
SAISON TORRIDE
Voguant sur les ailes de la nature, le temps alterne les saisons. Les cœurs, quant à eux, lorsqu’ils brassent les désirs et s’embrasent de volupté, les « Saisons torrides » déploient et dressent leurs lingeries soyeuses. Dans ce décor sensuel et érotique, la vendetta peut se vêtir du visage de l’amour. Et Inza Bamba de nous narrer l' »Apothéose fatale », une des nouvelles du recueil époustouflant des cinq mousquetaires: Inza Bamba, Etty Macaire, Hilaire Kobena, Manchini Defela et Soilé Cheick Amidou.

Au cœur d' »Apothéose fatale », Inza Bamba construit l’échafaudage d’un amour, d’un meurtre et d’un trait d’esprit. La diégèse s’installe dans le nomadisme, entre un pays d’Afrique noire et l’Union soviétique d’alors. Comme dans toutes les nouvelles de « Saisons torrides/L’ivresse de l’amour », dans un espace spécial, au fond d’un jardin, l’on s’extasie devant une très belle scène rutilante de jambes en l’air où Kristine est prise d’assaut. La description est méticuleuse. Le cours de romantisme et d’érotisme parfait. C’est ici que le lecteur, happé par la sensualité et la lubricité, s’imagine devenir personnage. De ce point de vue, se dégage du récit un vernis didactique.
 
 Mais, et c’est fortuit, la jeune dame n’est autre que la meurtrière de l’ami Youri à Londres. Cette découverte est un tournant décisif dans la trame. Elle fait batifoler l’esprit de « Je » qui finit par ruminer sa vengeance. Surtout que ce sombre mets se déguste froid. D’où la clausule tragique pour orner de sang le jeu langoureux du jardin. De l’orgie à l’homicide savamment orchestré, le principal protagoniste a lestement franchi le rubicond lorsqu’il dit: »…je ne voyais plus que l’assassin de mon cher Youri. Mes doigts vengeurs se saisirent de son cou frêle. S’enfonçant dans sa chair tendre, ils l’opprimèrent à la manière d’une tenaille d’acier (…) Dans l’ivresse de son odeur restée intacte, je réalisai que c’en était fini (…). J’étais toujours en érection » (P.P53-54).
 
L’amour et la haine ou le trépas squattent les deux faces d’une même timbale.

 Au-delà des cris d’orfraie qu’entendra tout modeste lecteur, il faut saisir aussi le sens des affres de la vengeance, le feu de l’amitié transcendant l’amour, l’abîme de la froideur et de l’insensibilité où patauge « Je ». Un nouveau Meursault est né. Sous les doigts d’Inza Bamba.

Quand la narration se pare d’ornements scintillant d’images, de géométrie et de beauté dans le choix des mots et des tournures, l’orgasme littéraire n’est pas loin. On ne le dira jamais assez, Inza Bamba, tout aussi auteur de « Le bonheur est une métaphore », est, avec les Patricia Hourra et autres, l’un des auteurs les plus talentueux de la nouvelle génération. Qu’écrire de plus après ces sarabandes de clerc littéraire dont il nous gratifie chaque fois qu’il enfourche son calame? Cet esthète est un talent sûr de la notre littérature que nous gagnerions à faire connaître des férus de lettres.
 
Là où certains cachent leur infirmité derrière la saveur de l’intrigue, lui, embrasse surtout la forme, l’esthétique. Des phrases chaloupées, rigoureuses et superbement sculptées. Le style Inza Bamba est en train de faire son petit bonhomme de chemin. Que nos écrivains continuent d’aiguiser leurs plumes pour corser et embellir la symphonie littéraire ivoirienne!

Pour sûr, « Apothéose fatale » est une histoire à croquer comme une belle nana sensuelle et effrontée. Avec son bistouri de praticien de textes réalistes, érotiques et lubriques, Inza Bamba est demeuré dans l’esprit éditorial de « Saisons torrides/L’ivresse de l’amour », ce bouquet de neuf récits que les auteurs voulaient pimpant, coquin et libre. J’adore la danse de ces plumes qui perforent la chair des papyrus et furètent dans les méandres des ébats torrides. « Hourra! Erotica »! Me plait cette grosse plume collective, altière et indocile qui fait gicler le plaisir des belles lettres à travers la belle écriture. Chapeau, les artistes!

« Apothéose fatale » d’Inza Bamba in « Saisons torrides/L’ivresse de l’amour », éd. Eden, 114p, 2016.
 
Soilé Cheick Amidou