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JULIA CHANNEL (EX-STAR DU CINÉMA X) : J’assume ma vie

Atse Ncho De Brignan | | Litterature

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Icône du cinéma X, Julia Channel est cette jeune métisse, née de père malien et de mère normande qui explosait les écrans au début des années 90. Aujourd’hui, reconvertie à la chanson et à l’écriture, ce mélange de la beauté et de l’animalité nous parle de sa vie et de son livre à paraître dans quelques jours dans les librairies, publié aux Editions Blanche.
Pour son premier anniversaire, c’est le cadeau que vous offre votre magazine préféré. Ecoutons-là !

Cela fait environ 15 ans que vous avez abandonné la pornographie, alors comment vous identifiez maintenant ? Julia Channel, la chanteuse, l’Animatrice télé ou l’écrivaine ?
C’est un peu de tout de moi. D’abord chanteuse, parce que ça fait plus de 10 ans que je fais de la musique, même si je n’ai pas encore sorti d’album mais c’est un projet en cours. Aussi animatrice parce que j’ai travaillé à la télé dans les années 94-95. J’ai animé et présenté des émissions sur des chaines de télévision ici en France comme dans d’autres pays. Ecrivaine juste pour ce livre, car je ne sais pas si j’écrirai encore d’autres. En un mot, je me définis un peu de toutes ces casquettes, car de toute façon, je n’ai jamais fait et ne sais pas faire une seule chose. J’aime la musique, le cinéma et tout ce qui est artistique. Si demain, je dois choisir une seule activité, ce sera la musique, car c’est la chose qui me passionne.

Parlant de musique, où en êtes-vous avec la sortie de votre album et quels sont vos genres musicaux ?
Pour l’instant, je suis au stade de création. Les genres musicaux que j’écoute le plus sont le RNB, le jazz et le new soul. Je n’écoute pas un style de musique. Il y a donc tout ce mélange dans ma création et une cohérence entre tous les morceaux. Pour l’instant, je suis contente de ce que j’ai fait et ça me ressemble ; comme mon livre également.

Alors comment vous est venue l’idée d’écrire un livre sur votre vie et pourquoi maintenant ?
En fait, l’idée m’est venue, il ya 6 ans de cela. Il faut dire qu’au début, je ne me sentais pas prête psychologiquement à me dévoiler autant, car il y a cette période de mon enfance que je n’ai pas complètement digérée. Tout ce que j’avais noté et écrit sur ma vie à l’époque, je l’ai jeté à la poubelle. Et puis pour écrire, ça demande vraiment un don de soi. C’était vraiment difficile pour moi d’en parler et je ne pouvais pas en parler sans avoir les larmes qui me montent aux yeux. C’est quand ma fille est née que l’idée d’écrire un livre à commencer à me trotter par la tête. Et je me suis dit pourquoi pas ? Ce sera faire un bon cadeau à ma fille car c’est la seule manière de lui expliquer tout. L’idée a donc mûri. Alors pour débuter, j’ai commencé par écrire des choses qui me venaient en tête. Quand Corinne (Corinne Rousset, la journaliste qui l’a aidée à écrire le livre, NDLR) est venue me voir je ne me sentais pas prête. Quand j’ai donné mon OK, nous nous sommes lancées à la recherche d’informations, car il y avait des choses que j’ai oubliées et il fallait que je m’en souvienne. Il m’a fallu donc faire un gros travail de mémoire c’est-à-dire aller chercher mes souvenirs qui remontent de quatre à cinq ans en arrière. Corinne est donc allée interviewer mes proches, mes parents et mes amis pour avoir toutes les infos nécessaires à la confection du bouquin. Après nous nous sommes mises ensemble pour écrire le livre. Cela nous a pris deux ans de travail.

Pensez-vous que votre fille sera à même d’accepter un tel cadeau ?
Je ne sais pas mais de toute façon j’ai écrit ce livre pour elle. Elle n’a pas le choix car c’est une partie de ma vie, la vie de sa maman. Je pense que c’est le bon moment pour elle de tout savoir sur ma vie à travers ce livre. Je ne sais vraiment pas à quel âge ça se fera parce que ça dépendra de sa maturité. Peut-être qu’elle le lira à 18 ans, peut-être à 20 ans, peut-être même à 25 ans, ça je ne sais pas. Elle l’aura ce livre peut-être enfermé dans une boîte que je lui dirai et, le jour qu’elle sera prête et qu’elle me fera la demande ; alors je lui dirai en quelque sorte : «  Tu peux ouvrir ton cadeau ». Pour cela, je veux vraiment qu’elle soit prête à tous les niveaux car ça finira par se savoir au fil des années.

A quoi répond ou renvoie le titre « L’Enfer vu du ciel » ?
C’est moi qui l’ai trouvé, ce titre. Pourquoi L’Enfer ? Ça paraît peut être un peu fort mais quand on le lit on le comprend aisément. Pour moi, L’Enfer, c’est d’abord cette période douloureuse de mon enfance ; la mort de mon frère, sa crémation. C’est aussi un lien avec le feu, les flammes, l’incendie qui a ravagé mon appartement à Paris. Pourquoi vu ciel ? Moi, j’ai toujours pris du recul par rapport à ce qui m’arrivait. C’est une sorte de petit ange qui est dans le ciel et qui regarde sa vie avec beaucoup de recul. C’est une très belle image. Le ciel, c’est très beau et puis l’enfer c’est quelque chose de pas joli. C’est donc une harmonie entre quelque chose de très beau et de pas beau en même temps qui résume bien ma vie. Beau, parce que je m’en sors toujours bien quelles que soient les épreuves. Ce sont tous les gens qui sont autour de moi. Dans le beau, il y a aussi la naissance de ma fille, l’amour de la vie qui est très présent. Pas beau, pour parler de toutes ces épreuves par lesquelles il faut passer à chaque fois. C’est donc une vie très forte, très riche avec beaucoup de recul sur pleine de choses.

Est-ce que vous regrettez votre vie au passé ?
Ah, Non ! Pas du tout ! Je dis des fois qu’il ya peut-être des choses que j’aurais pu faire différemment. Mais je ne voudrais absolument pas parce que cela m’a procuré une vie très riche et ça m’a rendue très forte car il ya trop peu de choses qui peuvent m’ébranler maintenant. J’assume ma vie du passé.

En lisant votre livre, je comprends qu’il est adressé à trois personnes si je ne m’abuse : d’abord à votre fille Jayanti, ensuite à votre frère aîné Laurent (décédé par suicide) qui pour moi sont les deux personnages de votre vie et enfin contre votre mère que vous qualifiez de « honte de mère alcoolo » dans une de vos pages. Que répondez-vous à ce sujet ?
C’est vrai que le livre est adressé à ma fille, en même temps que je rends un hommage à mon frère décédé. Un livre contre ma mère ? Non, pas du tout ! Pas contre ma mère. C’était impossible, car j’ai toujours protégé ma famille et je le ferai toujours. Ce n’est pas un livre revanchard non plus pour me venger de quoi que ce soit. Quand je dis « alcoolo », dans mon mental, je n’arrivais pas à utiliser le mot « alcoolique » parce que, pour moi, c’est un mot fort qui est très médical. Moi, en rigolant avec mes copines pour parler de ma mère, j’ai toujours préféré « Alcoolo », parce que c’est moins fort et encore plus mignon. Si je n’avais pas vécu tous ces faits, je ne serai pas ce que je suis aujourd’hui.

Dans la première partie du livre, vous titrez en chapitre 4 « Telle mère, telle grand-mère ». N’avez-vous pas peur de voir se vérifier le proverbe « telle mère, telle fille » auprès de votre fille ?
Si c’était Telle mère, telle fille, je dirais oui et j’aimerais beaucoup que ce soit dans certains domaines. Et c’est d’ailleurs ce qui est en train de m’arriver au niveau du caractère, parce que ma fille, à son âge, est déjà très affirmée et elle fait ce qu’elle veut. Donc, si elle prend ce côté déterminé de moi ainsi bien de quelqu’un qui a de la compassion, je suis très ravie. Pas contre, il ne faudrait pas qu’elle prenne la même carrière que moi. S’il arriverait qu’elle embrasse cette voie, je pourrai la mettre en garde sur les difficultés de ce métier. Mais, en tous les cas, c’est sûr et j’espère qu’elle fera autre chose. J’espère lui donner les bons repères pour qu’elle n’ait pas l’envie de faire cela. Moi, les repères, je n’en ai pas vraiment eus. Je ne savais pas ce qui était bien et pas bien et je me suis lancée là-dedans. C’est encore plus difficile quand on n’a pas de modèle.

Qu’attendez-vous du public en découvrant votre vie antérieure par la lecture de votre ouvrage ?
J’attends qu’il aime mon livre et qu’il soit beaucoup plus tolérant. Je pense que c’est cela surtout, mais après qu’il aime mon histoire ou pas, ça c’est leur choix. Mais, ce que je voudrais qu’on retienne, c’est la tolérance et de ne pas juger les gens sur leur métier, leurs origines, leur religion. Voilà ce que j’attends et qu’il me voie différemment aussi. Si tel n’est pas le cas, ce n’est pas grave. J’ai écrit mon livre, j’en suis très heureuse et maintenant, je passe à autre chose.

Comment arrivez-vous à penser que vos parents vous ont laissée dans la voie de la pornographie sans rien dire et pourtant ils savent toute votre histoire ?
C’est parce que c’est très difficile quand on est une grande fille majeure. S’ils m’avaient dit quoi que ce soit, moi j’aurais fait mes choix et ça n’aurait rien changé. Peut-être en même temps, ils se disent qu’il y a beaucoup de choses qu’ils n’ont pas faites et qu’ils se sentent un tout petit peu responsables. Je ne sais pas mais ça, c’est quelque chose où il n’y a jamais eu d’explication. Dans tous les cas, malgré le choix que j’ai fait, ils sont quand même fiers de mon parcours et de ce que je suis.

Vous avez beaucoup voyagé à travers le monde en côtoyant les grandes stars grâce au porno. Aujourd’hui vous avez une fille que vous adorez et vous publiez un livre sur votre vie. Quand vous faites un bilan de tout ce parcours, que voulez-vous que les gens retiennent de vous et quels conseils pourriez-vous laisser à vos jeunes frères et sœurs qui envisagent d’emprunter cette voie ?
Je pense que c’est bon bilan finalement parce que j’ai eu beaucoup de chance et suis passée à côté de beaucoup de choses, comme le SIDA. J’ai aussi eu la chance de voyager partout dans le monde en rencontrant d’autres cultures dont je rêvais de rencontrer. J’ai vu le monde et suis même allée voir de très près la maladie au CONGO. Au niveau de ma carrière, j’ai rencontré des gens et fait tout ce qui me passionnait. Comme bilan également, je suis arrivée à ce dont je rêvais, c’est-à-dire avoir un enfant pour clôturer cette première partie de ma vie. En un mot le bilan n’est pas si mauvais, car les gens continuent de me suivre depuis le début, de savoir encore sur ma vie, ils sont curieux en quelque sorte.
Pour les conseils, je ne pourrais vraiment pas les donner, car beaucoup de choses ont changé ; et moi-même, je ne sais plus comment ça se passe aujourd’hui. Maintenant pour ceux ou celles qui veulent le faire, il faut être vraiment sûr quand on veut le faire. Il leur faut un mental fort, car c’est une image qui nous suit à vie. Moi, je ne me vois pas le conseiller à quelqu’un.

Quelque part, ce n’est pas la peur de contracter « l’horrible maladie » qu’est le SIDA qui vous a amené à abandonner le cinéma X ?
Ah oui ! C’est complètement cela. J’ai eu vraiment une peur atroce. Il y a des gens qui n’ont pas cette peur, mais moi, c’est quand je suis partie en Afrique, au Congo-Brazzaville pour faire un reportage sur cette maladie que j’ai pris la ferme décision d’abandonner totalement le porno. Moi, je me suis dit, plutôt que de choisir une carrière, j’opte pour une vie. Et voilà, je ne regrette pas.

Des projets en vue ?
En ce moment, c’est la sortie du bouquin et c’est cela qui va me prendre plus d’énergie et de temps. Et puis là, je continue toujours à travailler mes morceaux pour l’album. C’est aussi un projet important. Aussi, depuis plus d’un an, je travaille à Londres (Angleterre) où je fais des interviews à des joueurs qui évoluent dans les clubs anglais comme Drogba et tous les autres… Tout cela pour le magazine Live Night and Day.

Pour terminer, vous vous sentez désormais mieux dans votre peau avec la publication de votre livre ?
Je pense que c’est très psychologique et puis d’un autre côté, je me suis dit que ça doit être le moyen de tourner vraiment une page et me sentir vraiment plus léger. C’est aussi le moyen de ne pas cacher les choses car je suis quelqu’un qui n’aime pas cacher les choses.

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L’ENFER VU DU CIEL :
Les confessions de Julia Channel. L’enfer vu du ciel, ce n’est pas ce documentaire diffusé sur les chaines de télévision françaises montrant la dégradation de notre écosystème, ni les incendies californiens vus de l’espace par les satellites de la Nasa aux Etats-Unis. Cet Enfer vu du ciel n’est rien d’autre que le livre autobiographique de Julia Sow (à l’état civil) devenue Julia Channel par la force des choses ; cette icône du cinéma X au début des années 90.

Un livre bien réfléchi et qui vient à point nommé au moment où la reconversion s’avère difficile pour cette jeune métisse née d’un père malien et d’une mère normande. Mais pourquoi un tel titre ? Juste pour s’autocensurer ? Je crois que non ! Julia a toujours rêvé de devenir star quel que soit le chemin emprunté, même celui qui mène à… l’Enfer.

L’enfer pour Julia, c’est d’abord un peu sa mère alcoolo. Celle qui disparaît un jour de la maison pour rentrer quatre jours plus tard sans rendre de compte à qui que ce soit. L’enfer, elle le verra également quand son frère aîné Laurent, son ange gardien se donne la mort en se jetant de sa fenêtre, au septième étage de son appartement pour terminer totalement sa vie dans une crémation au cimetière de Père-Lachaise. Enfin, l’enfer pour l’ex-jeune fille du 9-3 reste l’incendie (Cf. L’incendie purificateur, un chapitre du livre) de son chouette appartement dans la rue Rochefoucauld du 9è arrondissement de Paris, portant tout son « butin de sexe » en fumée pour laver toute cette saleté originelle, cette souillure de sa vie qu’est le porno.

Sa vie n’étant pas un long fleuve tranquille, elle a quitté, à l’âge de dix-huit ans, la France loin des regards des amis et parents, dans la ferme intention de conquérir l’Amérique. Cela a été un pari gagné, car après seulement quelques films réalisés, elle s’est retrouvée propulsée au rang de star par les plus grands noms du X que sont : Rocco Siffredi, Andrew Blake, Zara White, Christophe Clark, Marc Dorcel, Mario Salieri… Ses prestations très remarquées lui ont valu en 1998, un Hot d’Or d’honneur.

Et ses parents dans toute cette vie ? « Mes parents n’ont jamais rien dit et pourtant ils savent toute mon histoire », écrit-elle en fin de partie dans son livre.
Comme dit-elle, en amour on ne se raisonne pas, mais cette fois-ci Julia Channel a su tourner le dos à cette première partie de sa vie. Elle est aujourd’hui mère d’une petite fille de 4 ans à qui elle dédie ce livre publié aux Editions Blanche et dont la sortie est prévue pour le 13 mars prochain.

L’Enfer vu du ciel c’est le livre-témoignage dans lequel Julia Channel, sans faux-fuyant, s’apprécie, s’ouvre totalement et s’assume avec responsabilité. Un livre à consommer sans tabou, ni modération.