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Tradition orale. Kebba Sonka a redonné à la tradition orale sa place dans l’histoire.

Brigitte Gacha | | Evènements

Qui est cet africain à la tunique incrustée de motifs statuesques, portant une chéchia , que l’on voit marcher dans les fameuses « gränder » (allées ) de Gamla stan ?
Et pourquoi s’arrête t-il au 13, Själagårdsgatan? Que vient-il faire dans ce foyer du troisième âge où ont défilé plus d’une célébrité suédoise?

momo wandel

Il s’appelle Kebba Sonka, originaire de Gambie, né dans le district de Jarra, dans le minuscule village de Pakalindi. Il a été invité par la Fondation Mäster Olof Gården, une association à but humanitaire qui s’occupe entre autres de la création, de la promotion des liens interculturels et des Festivals dans le Gamla stan de Stockholm. C’est d’ailleurs en prévision du premier Festival Africain de Gamla stan le 25 et 26 août prochain, que celui-ci a répondu à l’appel.
La liste des titres de ce multi talent est longue.
Ici à Gamla stan, il ne fera usage que de deux de ses multiples titres et talents: celui de conférencier et de joueur de Sabar.
Son sujet porte sur la tradition orale dans l’histoire.
A peine a-t-il entamé son sujet que le silence dans la salle se remplit d’interrogations tacites. Quoi? L’histoire n’est-elle pas la connaissance du passé basé sur les écrits, comme on l’apprend sur les bancs des écoles du monde entier , oui, en commencant par l’Afrique et ce, depuis des générations? Quoi, la tradition orale comme preuve de l’histoire ? C’est une affabulation, sûrement. Pas de preuve écrite, pas d’histoire! Refutation.
Pourtant, nul n’interrompt le conférencier. Tout en lui retient l’attention: de sa tunique africaine colorée, son teint couleur de la nuit, à sa voix qui semble aussi sortir des profondeurs d’un ailleurs autre qu’ici et qui a un charme inoui.
Pour cet enfant de la Gambie, la preuve de l’écrit est insuffisante. Ce serait refuser le fondement même de l’histoire africaine , à savoir , sa tradition orale. La tradition orale est bien antécédente au Nko, langue écrite et étudiée dans les universités en Guinée, au Mali, en Egypte, en Gambie jusqu’en Malaisie.
Si l’ère de l’empire Mandingue, les rois Summanguru, Sundyata Keita, ne sont pas oubliés, c’est grâce à la transmission de la parole. Que dire les rituels d’initiation des jeunes garcons et des jeunes filles.qui se font encore de nos jours ? C’est par la transmission du verbe.
Pendant une heure, il parle, et chose rare en Suède, on oublie de regarder l’heure. On oublie même la « Fika paus » ou pause café.
Ses paroles tapissent les parois du vieux bâtiment, commencent à lever le doute dans les esprits; il est captivant, il devient le griot, celui-là qui transmet le verbe de père et en fils depuis des générations et des générations en Afrique.
En vrai conteur, il pose des questions que la conscience présente n’ose poser et y répond. Oui, comment est-il possible de retenir les histoires qui datent depuis des temps immémoriaux? Afin de faciliter la mémorisation, le conteur finalise toujours une histoire donnée par une chanson spécifique, nous apprend-t- il. La chanson devient en quelque sorte le mot-clef d’un conte donné, ajoute-t-il en d’autres termes.. .
Ce disant, le conteur joint la parole au geste. Il s’empare de « sabar », et tout en chantant un air mandingue, le bat et en fait sortir cette musique qui vous pénètre par tous les pores.
Lorsque Kebba Sonka s’arrête, le silence est rompu par des applaudissements et des approbations sur la question du jour. Nous avons eu quand même droit à la pause café. La conférence a duré deux heures pleines!
On sort de la salle avec la preuve indélébile qu’il est sur la planète, des régions du monde où l’histoire est la connaissance du passé basé sur la tradition orale, telle l’Afrique, par exemple.

Farantambalakumbasolan!