Suivez Nous

L’affiche publicitaire : de l’art ou de l’industrie, quel essor socio-économique en Côte d’ivoire?

Pascald DJADOU | | Dossier
affiche-publicitaire

Crédits photos: Klé Julien

La publicité, comme on pourrait l’apprécier de nos jours, n’est pas un phénomène implanté depuis très longtemps dans la société ivoirienne. Phénomène lié au développement économique et industriel, il ne connut son essor en Côte d’Ivoire que dans les années 1970 avec les affichages publicitaires.

Problématique de l’essor de l’affiche publicitaire

Ces dernières années, l’évolution de la publicité en Côte d’Ivoire semble essentiellement conditionnée par l’existence et l’apparition d’un nombre sans cesse croissant de biens de consommation, de services et d’annonces de tout genre qui se bousculent aux portes des agences conseils en communication pour se faire connaître et s’arracher les marchés. Dans un souci de promotion, ces annonceurs ont recours à des multiples supports visuels au rang desquels l’affiche occupe une place de choix.

L’affiche réside dans sa capacité de fixer en permanence non seulement le message publicitaire émanant  du langage articulé lui-même fugitif par essence, mais de diffuser gratuitement à un public aussi large qu’hétérogène dans tous les coins.

A cet effet, il est donné de constater un impressionnant déferlement de cet imprimé constituant une des caractéristiques majeures de notre temps et qui de surcroît, fait entrer la vie moderne ivoirienne dans la « civilisation de l’image ». Celle-ci se manifeste par une inondation particulière des affiches publicitaires qui bombardent quotidiennement d’annonces, les consommateurs à travers artères des villes de la Côte d’Ivoire. Ce harcèlement visuel issu de l’affichage sauvage reflète les besoins d’un monde en pleine expansion économique et engagé dans la démocratisation de l’information. Tirée à grande échelle et distribuée partout avec une forte audience, l’affiche se comporte comme un support de communication omniprésent dans la capitale et les grandes villes du pays.

Cet art de la rue a largement conquis les pans, les murs, les vitrines des magasins, les panneaux, les colonnes morris, les abribus, les flancs et culs de véhicules, marchés, les tribunes des stades, les pieds des ponts, les poteaux électriques, les panneaux de signalisation et les supports divers. Aucun espace n’est épargné de cette effervescence.

Dans ce salon de l’imagerie populaire, l’affiche devient le média de la notoriété, le plus ancien d’ailleurs, indispensable pour un lancement de produit, de services, d’une idéologie, etc. de plus, elle est chargée d’annoncer les campagnes de sensibilisation, les propagandes politiques et religieuses, les manifestations de toutes sortes

Elle doit délivrer à ces occasions un message concis, percutant et simple avec des couleurs et textes fascinants pour influencer et drainer une clientèle potentielle. En générale, les affiches sont disposées en des points où la forte densité de population et le trafic leur assurant une efficacité minimale probable. Par cette prépondérance et cette familiarité avec le public, ce mass-média s’érige en premier instrument, par excellence, de l’orchestre publicitaire ; de ce fait, sa mission consiste à attirer l’attention, à susciter l’intérêt, à provoquer le désir et à déclencher l’action dans une société placée sous l’autorité du libéralisme économique.

Face aux défis de cette société de consommation en pleine mutation et marquée par une sévère compétition entre unités industrielles, on se rend compte d’emblée que l’exploitation de l’affiche publicitaire, n’a guère balbutiante, devient de nos jours un enjeu de taille car des parts budgétaires considérables sont mobilisées par conséquent, des firmes dans le secteur de la télécommunication, de la politique, alimentaire, bancaire et cosmétique, etc. pour arroser notre environnement de simple papiers à leur effigie. Le but de ces tableaux de la rue étant de séduire, de capter efficacement le regard d’une cible qui ne cherche pas toujours l’information mais la contemplation. D’où le recours à toutes sortes de techniques et d’artifices propres à distraire l’œil, à éveiller le plaisir esthétique et surtout à créer la « motivation : couleurs vives et gaies, format au design divers, déclarations à l’emporte-pièce ».

En raison des objectifs commerciaux, la plupart des procédures artistiques exigent un renouvellement perpétuel, une expérimentation constante dans les studios de création, une recherche à outrance de l’originalité : truquage, photomontage, surimpression, effets spéciaux, etc.

Tout est transformé à partir d’un système de traitement d’information appelé « infographie » au point d’être à la fois méconnaissable et attrayante. On ne saurait comprendre ce regain d’intérêt subit pour ce média de masse alors que le quatuor Télévision, Radio, Presse, et Cinéma forment déjà pour les campagnes publicitaires, un arsenal médiatique capable de matraquer, de dissuader à temps record, le moindre « publiphobe ».On ne saurait sans doute admettre que les visuels aussi austères, impassible, hermétiques, fantaisistes aux allures parfois vulgaires parviendraient à convaincre le lectorat de ces images de la rue. Lire cette littérature d’expression graphique, sèche et prosaïque au centre d’une nébuleuse de signification tient de la gageure. De même que scruter les tréfonds de cet arcane de formes inextricables pour percer de mystère et l’originalité de ces productions artistiques conçues comme un bastion infranchissable.

La tâche du graphiste lui-même est loin d’être aisée. Il ne cesse de lutter contre des clients qui ne comprennent pas toujours qu’une publicité pathétique est le gage d’une persuasion efficace. Car elle sait trouver l’expression toujours mieux adaptée aux conditions mobiles du goût et de la mode, tout en conciliant des formes inédites avec les impératifs de la rentabilité qui témoigne éloquemment de la souveraineté de l’économie marchande. C’est un exercice intellectuel extrêmement périlleux que de vouloir manier une image figée associée à un imperméable, incorruptible voire hostile parfois à cette infinité de signes communicatifs plein d’énigmes qui sillonnent ces ouvrages industriels.

Notre ambition est dépouillée, de fond en comble, l’affiche de son caractère d’objet manufacturé, de la débarrasser de son statut artisanal pour l’ériger au grade « œuvre d’art » et surtout de permettre au public de comprendre facilement le message publicitaire avec une grille de lecture. Aussi, n’est-il pas toujours évident de discuter où finit l’utilitaire et où commence l’esthétique. C’est le lieu de disséquer l’art du graphiste dans cet espace à deux dimensions et extraire crème. C’est cela le sens de notre démarche. Ainsi, le problème principal à résoudre est celui de la compréhension de l’annonce considérée comme matière première dans le système de la communication publicitaire. Nous sommes donc emmené à dépasser le stade presque passif de la contemplation. Stérile de cette mosaïque de formes inertes, d’éléments amassés dans un monde chimérique pour réfléchir sur l’œuvre d’art et sur les circonstances de son élaboration afin de toucher du doigt la science de l’objet d’art et les leçons qu’il peut enseigner relativement à sa forme, à sa substance, à sa signification. En faisant le tour de la question, nous apercevons que l’interprétation de l’affiche, sous la plupart de ces formes est intarissable pourvoyeur d’images virtuoses. Au décryptement de ces visuels, il est à relever une dimension créative et une dimension communicative. Ces deux articulations autour desquelles va s’échafauder notre étude servent de toile de fond à l’intrigue de cette analyse, cet examen des affiches en Côte d’Ivoire s’impose donc à double titre : nécessaire pour éclairer les apports considérables de la création graphique dans l’univers de la publicité, important également pour contribuer à une meilleure connaissance d’un mode d’expression non linguistique et non verbal particulièrement en faveur des arts appliqués dominés aujourd’hui par la société industrielle standardisée, mais de comprendre l’essor économique de l’art publicitaire dans l’économie ivoirienne.

De l’historique à l’histoire ivoirienne de l’affiche publicitaire

Historiquement l’affiche est le premier support de la publicité. On la retrouvait déjà sous formes d’enseignes en Mésopotamie. Employée simplement pour annoncer, l’affiche se contente plus aujourd’hui d’être un support d’information, mais un média de communication et persuasion afin de faire vendre un produit, un service. C’est un support incontournable puisque les supports qu’ils utilisent sont placés à des endroits stratégiques, en général les endroits de passage les plus fréquentés dans les villes. C’est sans doute le média touchant tout individu circulant soit à pied, soit en véhicule sans distinction aucune.

Bien qu’étant coûteux comme média, sa puissance d’être comparée à celle de la télévision. Il est presque toujours utilisé en complément d’une action telle que la télévision pour renforcer, voir créer une ou la notoriété. Pour simplifier la compréhension, on distingue 4 catégories d’affiches :

–      commerciale (permet de faire connaître et faire vendre un produit ou service) ;

–      propagande (réservée aux expositions, aux campagnes électorales, aux campagnes de vaccinations, aux tourismes, aux croisades religieux) ;

–      spectacle (permet de faire la promotion des spectacles et des événements) ;

–      texte (est conçue rien qu’avec des textes, c’est l’affiche réservée aux réunions pour la plupart du temps).

De grands artistes se sont consacrés à l’art de l’affiche consacrés à l’art de l’affiche en France, en Allemagne, aux Etats Unis, en Belgique, en Grande Bretagne et au Pays Bas.

L’affiche publicitaire n’est pas un fait isolé d’un cadre chronologique et des conditions générales de l’histoire de l’art. Il apparaît donc légitime d’un strict point de vue historique et esthétique de la rattacher à un mouvement artistique et un courant de pensée auquel elle s’identifie et dans lequel elle se trouve son plein épanouissement.

La diffusion des arts plastiques s’affiche parmi les grandes idées en vogue après la deuxième guerre mondiale. C’est dans ce contexte que tiraillé par les conformismes, épuisé par son succès même, l’art abstrait, figure de proue de la peinture moderne de l’époque devait avec les années, perdre de son prestige ou pour le moins céder la place, qu’il occupait sur le devant de la scène, à l’art de la rue.

On notait l’émergence des artistes producteurs en série issue de l’expressionnisme, à côté des artistes académistes rattachés à l’art non figuratif. Le pop’art ou art populaire, mouvement artistique typiquement anglo-saxon participe vivement à cette tendance générale dont il se voulait la pointe extrême, celle du retour à la figuration, aux réalités quotidiennes envahis par la publicité imagée.

En effet, le phénomène publicitaire a pris une ampleur singulière sans l’impérialisme de la société de consommation américaine dans les années 1950. C’est le symbole même de ce mouvement d’intensité qui s’est emparé du monde moderne si bien que Blaise Cendras a pu libérer sous sa plume : « la publicité est la fleur de la vie contemporaine. Elle est affirmation d’optimisation et de gaieté, elle distrait l’œil et l’esprit. C’est la chaleureuse manifestation de la vitalité des hommes d’aujourd’hui de leur puissance de leur puérilité de leur don d’invention et d’imagination, et la plus belle réussite de leur volonté de moderniser le monde dans tous ses aspects et dans tous les domaines »[1]. De plus, artistes et critiques anglais[2] prennent d’assaut l’étude des images de la publicité américaine entre 1954 et 1955. A ce sujet, le critique anglais Lawrence Alloway résume en 1955, le pop’art à l’ensemble des images publicitaires conçues à des fins commerciales (affiches, publicité des revues à grands tirages). Richard Hamilton, un autre anglais, renchérit en 1957 pour définir le pop’art comme tout art produit en masse et destiné à un large public.

Toutes ces considérations inhérentes à l’affiche tirent leur source de la rue, des entreprises, de la publicité, de la production de masse, des objets de série, des déchets industriels capables d’évoquer le nouvel environnement quotidien que crée la civilisation technologique. Les artistes déballent les résidus du monde moderne, de la culture de masse, de ses techniques, de ses modes de vie, comme on vide un fond de poubelle. Ils font appel également, pour leurs peintures, leurs collages et leurs constructions à trois dimensions aux chefs d’œuvre du passé et celles de l’actualité politique, économique et du show business, aux figures de la géométrie et aux reproductions de machines industrielles. Les moyens de communication moderne sont mis à contribution de la photographie, de la bande dessinée, du cinéma, des magazines, des journaux et surtout de l’affiche.

Grâce aux recherches de cette pléiades d’artistes américaine que Andy Warhol, Roy, les œuvres pop se hissent au rang de valeurs esthétiques entre 1955 et 1961. Avec eux, le renversement total des valeurs auxquelles aspirent tant d’autres et le pop’art s’est trouvé fortement encouragé par la découverte de toutes sortes de procédés de communication et de reproduction permettant des réalisations multiples et originales à la fois. C’est l’idée de l’œuvre éphémère, celle-ci étant conçue comme un produit. Andy Warhol s’est efforcé de combiner l’usage de la sérigraphie et de la photographie pour atteindre cette ambition de multiples justifiés par la mode des posters.

Le recours à la photographie lui permet désormais d’abandonner l’image nette au profit de l’image floue aux contours estompés capables de restituer notre vision naturelle, objet de rivalité entre la photo et la peinture. En puissant ces sujets dans la banalité quotidienne, Lichtenstein exploite des « Comics » objet de véritable dévotion, et de la reproduction typographique. La typographie a aussi donné lieu à des initiatives particulières, en même temps qu’on faisait de plus en plus appel à des artistes modernes pour la couleur et bientôt à la force du dessin. Aux formes simples et aux couleurs intenses crues, Rauschenberg ajoutait des lettres et des nombres extraits de la publicité. Tom Wesselman assemble dans un troupe-œil criard objets réels (publicité alimentaire), appareil de télévision, photo, stylisation publicitaire chargés d’érotisme le pop’art se borne à la présentation d’objets usuels comme des de dentifrice démesurément grossis à l’imitation des aliments comme les affectionne Oldembourg.

Plus tard, deux orientations s’ouvraient et par la suite aux publicitaires, les uns optent pour un compte rendu réaliste, les autres pour l’importance du signe. Par l’entremise de ces investigations, la publicité était érigée en une science de la motivation chargée d’étudier les moyens propres à conditionner l’esprit de la clientèle grâce à l’imagerie au slogan, à la lettre et au mouvement lui-même. Au regard de l’esthétique pop, tout se passe comme si à mesure que la peinture se dépouillait de son imagerie narrative, cette dernière découvrait dans l’affiche un terrain d’élection. Le mouvement pop est révélateur dans la mesure où il est lui-même issu du brassage des affiches et alimente principalement par la publicité. En découvrant le monde moderne de l’utilité et de la quantité la création publicitaire a engagé les arts dans une confrontation nouvelle, dans l’abolition de la hiérarchie des valeurs anciennes à laquelle s’attache l’avant-garde de l’art moderne.Nous découvrons par-là l’univers artistique et moral dont le relève l’imagerie populaire, la richesse et la variété d’un mouvement que n’entache aucune rigide doctrinale et qui tire sa vitalité de la diversité de ses apports artistiques outre atlantique.

La tradition des affiches en Côte d’Ivoire est relativement récente. Il convient de faire remarquer la difficulté majeure, à juste titre, à dresser un tableau chronologique de l’évolution de l’affiche, étant donné le manque de sources disponibles. Ce qui nous emmène à partir du graphisme de presse coloniale à travers  les imprimés pour aboutir à l’affiche proprement dite.

En ce qui concerne les débuts de la presse, Georges Retord affirme : « les premiers numéros du journal officiel, imprimés a Grand Bassam dès janvier 1895, marquent le véritable début de la presse »[3]avec les petites annonces et discours écrits. Le 14 mars à Grand Bassam, les annonces adressées aux coloniaux manquent de visuel. On a de longues phrases, primauté du texte pour expliquer, informé et persuadé. Retord poursuit pour nous instruire que « la première publicité utilisant le graphisme apparaît en Côte d’Ivoire dans le journal officiel du 15 février 1899 »[4]. C’est un graphisme de presse attaché au négoce des grands magasins dans les colonies françaises. Une analyse de contenu montre les caractéristiques suivantes : destin tiré en Linotype sur les presses d’imprimerie de Grand Bassam, texte et titre composé avec des caractères en plomb assemblés. Dans les annonces du 18 février 1914, on pouvait lire l’installation des nouveaux coloniaux arrivant, leur hébergement et le souci de rendre la coupure d’avec la métropole moins pénible. La population autochtone majoritaire consommateur est carrément ignorée. Pour que les choses changent, il fallut attendre l’édition des journaux écrits par des africains destinés  à un public pour voir des publicités africanisées. Selon Retord le bulletin de la CI devenu « la Côte d’Ivoire »[5] 1949-1954 du commandant Ply ouvre volontiers ses colonnes  au député Félix Houphouët Boigny. Après le désapparentement du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) d’avec le parti communiste français. Par la suite, nous allons connaître à partir de ce moment une intense activité politique dont Abidjan est le siège.

Les numéros du 25 février et du 30 mars 1954 du journal France Afrique Abidjan font apparaître des annonces à vocation africaine puisqu’elles présentent « les premiers graphismes africanisés dénommé « style banania »[6].Image très expressive qui peigne les traits caractéristiques du visage de l’africain tel que perçu par le colonisateur.

A l’analyse de ces annonces, l’auteur soutient que « la vision de l’africain est une vision limitée au bon tirailleur sénégalais, le visage béat et hilaré »[7]. Du point de vue représentation formelle, il apparaît un visuel. Présentation des africains, un homme dans la première et une femme dans la deuxième tenant le produit dont le nom est mis en relief par le titre en caractère gras : le visuel est privilégié au détriment du texte. Le produit vise directement son public cible. Rapprochement entre le produit du colonisateur et la conscience du colonisé. Le choix du boubou élément culturel du nord nous replonge dans l’univers musulman. Dans le journal France-Afrique-Abidjan du 08 et 30 mars 1954 consacré aux fonctionnaires, aux employés, aux amis du progrès d’Afrique (FENAN), la compagnie française de Côte d’Ivoire (CFCI) présente deux annonces de boissons Judor et ok TIP top. A la lecture de l’imprimé, il est à constater, une amélioration du visuel, désormais tous les éléments sont équilibrés.

Le slogan est plus dynamique grâce à l’accent érotique mis sur la femme blanche légèrement habillée. Des lettres africaines sont visées au même titre que les coloniaux, le mariage du public africain et non africain est scellé.C’est une volonté d’assimilation culturelle du colonisateur mais les dessinateurs européens exécutent mieux leurs compatriotes que les africains.

Avec le développement dans les colonies des entreprises de fabrication des produits de grande consommation, on assiste à une phase active d’africanisation des annonces. En juin 1957, Bracodi met sur le marché une bande dessinée composée de personnages africains. En 1961, Solibra société concurrente de Bracodi met sur le marché une bande dessinée intitulée « les exploits de Mamadou Frigor ».Les axes de communication véhiculent la force, la réussite sociale, la ressemblance au modèle européen. Dans cette période, les annonceurs découvrent, grâce aux tenues vestimentaires le public qui va forcer la voie à une publicité africanisée. Retord indique à ce sujet que : « le transfert de l’image du consommateur est pratiquement réussi »[8] dans la publicité importée. Le consommateur africain est présent dans les lames de rasoir, les piles électriques et de cigarettes.

A la faveur de la croissance économique, de nouvelles formes françaises s’implantent et déversent des produits manufacturés de grande consommation sur le marché. Les données publicitaires sont bousculées, de nombreuses innovations dans la recherche, la phrase exaltante qui voit se venir de spécialités françaises et ivoiriennes. Aux imprimés de presse s’ajoutent les affiches pour véhiculer et vulgariser à grande échelle les annonces publicitaires.

Le 14 janvier 1967, soit sept ans après notre indépendance est créé l’agence Havas de Côte d’Ivoire son implantation jusqu’en 1973 sera déterminante dans l’évolution des affiches publiques. Parmi ses activités, on notait la presse, le cinéma, l’affichage. Si avec la presse coloniale l’affiche est inféodée aux journaux, existait à l’état latent, embryonnaire, elle a pris une forme décisive et autonome dans les années soixante. En 1973, est créé Ivoire-Média qui reprend le monopole Havarien. De plus, la création de d’autres agences telles que Aujourd’hui, Edition publicité, Eléphant, Tropicom insufflent une nouvelle dynamique à l’action publicitaire et particulièrement aux affiches.

Dans les années quatre-vingt, l’affiche avait un aspect si frileux dans la ville d’Abidjan que Claude Mana réagit : « pour être définitivement admise à la fête des mégalopoles mondiales, Abidjan devra passer de l’ère des enseignes à l’âge mur des affiches »[9] dans ce sens, Kebe Yacouba, dans les colonnes du quotidien gouvernemental « Fraternité Matin du 29 septembre 1943 », clamait en ses termes : « que tout le monde comprenne que la publicité contribue puissamment à l’abaissement du prix de revient des produits et des services ». Sous la houlette d’autres agences telles que Lintas, Mc Cann, Océan, Panacom, Univers Média et consorts, l’affiche publicitaire obtient ses lettres de noblesse, grâce au souci de composition, la recherche graphique, le choix des couleurs. De plus en plus les murs, les poteaux électriques, aucun espace n’est épargné par les affiches  au point que dans le n° 2984 du 04 mai 1999 de Ivoir’Soir a pu titrer  « Panneaux publicitaires un désordre ».L’art de l’affiche a été pratiqué par de nombreux artistes ivoiriens qui ont contribué à ennoblir l’image de marque des arts graphiques. Grâce à eux, l’affiche a connu un développement spectaculaire. Il s’agit de Gnabe Gilbert, Janiklo Ali, Togba Gilbert, Pinto Guy Serges, TekiValaire, Niamien Abraham, Tayoro Gnewa Gérard, Kouakou Maximin, Ouyabe Franck, Oussou Justin, Barro et bien d’autres.

La publicité une industrie en plein essor, quel impact économique ?

La publicité est un aspect essentiel de la société de consommation. Mais quelle est sa fonction économique et commerciale réelle ? Son efficacité ? Cette dernière n’est pas si facile à mesurer, d’autant qu’une des fonctions de la publicité est de permettre au consommateur de rationaliser l’achat après coup, de lui économiser la mauvaise conscience consécutive au choix et à la dépense. Elle correspond à une tendance fondamentale de la société de consommation : créer la demande nécessaire pour une offre abondante et innovante.

Il est relativement facile de mesurer le poids économique intrinsèque du secteur publicitaire, finalement réduit[10], mais en expansion, ainsi que le coût pour le consommateur des campagnes de promotion d’un produit, intégré au prix de vente[11].

Il est déjà plus difficile d’évaluer l’efficacité de la publicité, sa contribution à la demande globale comme son influence sur la répartition de la demande: stimule-t-elle la concurrence, ou bien, plus vraisemblablement, favorise-t-elle la concentration de la demande sur un petit nombre de marques ? Les publicitaires considèrent que la plupart des messages ne sont pas même perçus du public, qui élabore des stratégies d’évitement ou de résistance, encore moins mémorisés. La disposition des produits dans les linéaires est finalement bien plus déterminante dans l’achat, d’où le recours à la publicité sur le lieu de vente lui-même. On comprend alors le sens des efforts des « créatifs » au sein des agences de publicité. La nature du média utilisé est au moins aussi importante que le message car il s’agit de ne pas manquer la cible, l’acheteur potentiel ou le « prescripteur » (ses enfants, son conjoint, son médecin). Il faut aussi rencontrer ses intérêts, concocter un message transparent, concis, qui restera en mémoire grâce à l’originalité, ou la drôlerie, de la forme. La publicité est au service de la stratégie de marketing de l’entreprise: la communication est en effet l’un des quatre éléments d’action sur le marché, avec le produit lui-même, son prix, et la distribution. Il s’agit donc avant tout de faire connaître un nouveau produit et de le vendre; d’accroître la consommation d’un produit existant, de fidéliser la clientèle ou de débaucher celle de la concurrence, de diminuer le caractère saisonnier des ventes. Le message lui-même a moins pour objet d’informer sur la nature de la marchandise ou de l’entreprise que de séduire, d’amener le client potentiel, convenablement ciblé, à voir dans le produit et surtout dans la marque la promesse de la satisfaction d’un désir, ou d’un besoin; voire un élément de son identité propre. Ainsi la publicité doit se conformer aux attentes du consommateur, aux normes de la société, même quand elle fait mine de les bousculer.

 

Pascald DJADOU

 


[1]                                 Blaise Cendras, cité par Ousmane SY SAVANE, de la publicité en Côte d’Ivoire
[2]                                 Independant Group
[3]                                 Georges RETORD, cité par OUSMANE SY SAVANE « de la publicité en Côte d’Ivoire », P.35.
[4]                                 Opt. Cit, P. 34.
[5]                                 Op. cit, p. 44
[6]                                 Op. cit, p.45
[7]                                 Op. cit, p.45
[8]                                 Op. cit, p.52
[9]                                 Ivoir Dimanche, n°747 du 2 juin 1985, extrait de l’interview de Diegou Bailly.
[10]                              En 1990, il représentait 0,76% du P.I.B. français et employait 50 000 personnes

[11]              On sait aussi à quel point la survie des médias, surtout ceux de la presse écrite, dépend de la manne publicitaire. En 2000, année très faste, en raison en particulier du lancement de nouveaux produits technologiques, comme le téléphone mobile ou Internet, les investissements de communication réalisés dans le monde par les entreprises dans les cinq grands supports que sont la presse (en 1994, 48% des investissements publicitaires en France), la télévision (32%), l’affichage (12%), la radio (8%) et le cinéma (0,6% seulement) ont franchi la barre des 300 milliards de dollars. Ce type traditionnel de publicité représente désormais 1% du PIB mondial. De leur côté, la publicité directe et les opérations de promotion pèsent 120 milliards de dollars. Depuis trois ans, les entreprises de publicité sont prises dans un processus de mondialisation et de concentration. Un nouveau média est apparu, Internet, qui pèse déjà plus que le cinéma, mais 25 fois moins que la télévision: en 2000, 122 millions d’euros d’investissements publicitaires en France. L’année 2005 a cependant été marquée par une forte progression de ce secteur.