Interview / MASA 2014 : « Le Directeur du MASA applique un programme qui a été validé par le Conseil d’Administration »
De passage en mars 2014, dans la capitale économique Ivoirienne, la Direction Générale de la rédaction de 100pour100culture est allée à la rencontre du Directeur Géneral du Masa, le Pr Yacouba Konaté. Cette sommité du monde culturel et artistique a prêté sa voix pour faire avancer dans toutes les possibilités qui lui sont offortes, ce vaste enclos comme un héritage préservé méritant plus de pitance à la consommation du « tout monde ».
D´ailleurs à ce propos le Pr Konaté nous a livré à coeur ouvert sa satisfaction sur ce cru onomasiologique, afin que ce marché potentiel (Masa) soit une consommation ostentatoire à tous les continents.
Monsieur le Directeur général du Masa, du 1er au 8 mars dernier, la Côte d’Ivoire a vécu au rythme du Masa. Avant d’aborder le bilan, qu’est ce qui a présidé au choix du thème : « Les arts du spectacle face au défi du numérique ?
On peut considérer l’avènement du numérique comme une révolution dont les effets sont comparables à ceux qui ont suivi l’invention de l’imprimerie au XVe siècle ou l’invention de la machine à vapeur au XVIIIe siècle. La révolution du numérique a changé le fonctionnement global de la société aux plans de la technologie, de l’économie, de la culture et des arts.
De façon plus spécifique, j’ai déjà évoqué lors de précédentes interviews comment, au début des années 1980, Alpha Blondy pouvait vendre un million de 33 tours en trois mois. La question aujourd’hui en Afrique et partout dans le monde est celle-ci : qui peut prétendre vendre un million de CD en trois mois ? En se posant cette question, il faut avoir en tête que le CD d’aujourd’hui coûte trois fois moins cher que le 33 tours des années 1980 et que le CD comprime facilement autant de titres qu’on veut, là où le 33 tours n’en permettait que huit ou dix. Certes il y a des phénomènes comme Stromae qui, à partir de la Belgique, a fait redémarrer la vente des CD, mais c’est des cas isolés qui font figure d’exception.
Le thème « Les arts face au défi du numérique » offre donc l’opportunité de réfléchir aux nouveaux modèles économiques qui sont au cœur des arts de la scène en général, et de la musique en particulier. En même temps, il ne s’agit pas d’être nostalgique mais lucide, car si le numérique a contribué à faciliter le piratage en musique, dans le même temps, il offre des facilités de création et de production. En théâtre, le numérique peut faciliter la confection des décors et des effets spéciaux.
Pour reprendre le sous thème portant sur le numérique pensiez-vous que sous peu la Côte d’Ivoire pourrait disposer d’une législation ?
Il y a déjà une législation. La question est de savoir si elle est adaptée et si elle est opérationnelle. Mieux que moi, les responsables du Burida sauront répondre à cette question.
Professeur, quand est-ce que les actes des rencontres professionnelles seront disponibles ?
Après le MASA, nous avons déjà tenu une réunion avec le secrétariat des rencontres professionnelles. Les secrétaires sont en train de relancer les intervenants pour récupérer les textes des communications. Nous prévoyons de publier les actes à la rentrée de septembre, octobre. Cette publication sera un vrai livre ou on retrouvera la fiche technique de chaque groupe du In, la liste des manifestations du Off, des extraits du journal du MASA et des photos de l’édition 2014.
Les grandes innovations de cette 8ème édition du Masa auront été l’introduction de deux nouvelles disciplines, à savoir le conte et l’humour. A cela il faut ajouter le développement de la dimension Festival, la double programmation et la prestation d’artiste vedettes nationales et régionale. En plein parcours, une autre discipline s’est invitée au Masa, à savoir, la mode. Est-ce que ces innovations n’auraient pas pu se faire progressivement ?
Très certainement, une personne prudente aurait pu procéder progressivement comme vous le dites. Mais en même temps, une personne prudente n’aurait jamais accepté de faire une manifestation de la taille du MASA en 6 mois. Pour tenir ce pari, il ne fallait pas jouer les timides, mais déployer le MASA et ouvrir les perspectives. Maintenant, pour l’édition prochaine, il est indispensable de faire un bilan critique, et reconfigurer la prochaine édition, sans état d’âme et sans dogmatisme.
Le Directeur du MASA applique un programme qui a été validé par le Conseil d’Administration. Il a échappé à plusieurs observateurs que dès le 05 juin 2013, le dossier du MASA 2014 que j’ai présenté et défendu devant le Conseil d’Administration du MASA à Paris, mentionnait la mode parmi les activités de la 8e édition, au titre de manifestation d’environnement et non comme une discipline. C’est pour cela que nous avons ouvert des défilés de modes quotidiens au village du MASA et c’est pour cela que nous avons prêté une bonne oreille au projet de faire une place au défilé international d’Adama Paris. Mais avant que son projet nous arrive, nous avions déjà commencé notre programme avec les stylistes. Et nous l’avons maintenu. Et c’est l’un de mes grands motifs de satisfactions.
On peut penser que ces innovations pourraient pu se faire sur plusieurs éditions. Mais à la vérité, peut-on imaginer un MASA en Côte d’ Ivoire, sans vedettes nationales ? En tant que manifestation internationale, le MASA peut-il faire l’impasse sur les vedettes régionales ?
Pour en venir à l’aspect festival, est-il souhaitable de faire un MASA de sortie de crise au Palais de la Culture de Treichville sans offrir aux jeunes d’Abobo, Koumassi et Yopougon l’accès à des scènes de proximité ?
Comme vous le savez peut être, les deux (2) jours à Bouaké ont rassemblé chaque jour plus de 30 000 spectateurs. Les plateaux à la place Inch‘Allah de Koumassi, à Abobo, le jazz à Bassam ont été très bien reçus. Et la sortie à Adzopé, également un franc succès. A mon humble avis, ce qu’il faut réduire et si possible rassembler en un lieu unique, ce sont les scènes du In qui alimentent en priorité le marché. La réouverture du Palais de la Culture permettra de régler cette question.
Monsieur le directeur général, à votre dernière conférence de presse après le Masa-2014, vous aviez dit « on est satisfait. Cependant on reste lucide face aux limites objectives. D’abord d’où tirez-vous cette satisfaction ? Par ailleurs, qu’est ce qui n’a pas marché ?
Je suis satisfait parce que le MASA s’est tenu alors que beaucoup de personnes n’y croyaient pas. Nous avons respecté la totalité des engagements pris y compris les innovations dont vous avez parlées. Et les professionnels sont venus. A la date du 31 mars, nous pouvons confirmer la présence de 265 individuels professionnels soit quelque 110 structures.
Je suis satisfait également de l’adhésion du public qui progressivement est venu. C’est vrai que nous avons commencé timidement, mais la journée jeunes publics du mercredi 5 mars a été un grand succès qui nous a conduit vers une cérémonie de clôture qui vous en conviendrez, est venue en apothéose.
Avec cette édition, tous nos partenaires y compris ceux qui étaient dans une position de retrait par rapport au MASA, sont prêts non seulement à revenir, mais à mettre de nouveaux moyens. Je note aussi que nos nouveaux partenaires (Royal Air Maroc et Nescafé) ont promis de renforcer leur soutien au MASA. Des entreprises qui nous ont snobés pendant tous les mois où on leur courrait après pour obtenir un partenariat, sont venus dés le second jour du MASA, prendre des stands au MASA. En somme, la Côte d’Ivoire a retrouvé le MASA et le MASA a retrouvé un nouveau souffle.
Ce qui n’a pas marché, c’est la mise à disposition tardive des subventions publiques. Ce qui a induit des retards et des encombrements sur toute la chaine de l’organisation pratique. Nous avons également connu des soucis d’alimentationélectrique que je mets au compte de l’état des lieux d’infrastructures qui elles aussi, sortent de crise.
L’un des reproches objectifs qu’on vous fait, aviez-vous reconnu, c’est de ne pas avoir respecté les programmes. Professeur, à ce niveau qu’est ce qui s’est passé ?
Nous avons eu effectivement des problèmes de déprogrammation. Vous savez, les stoïciens divisaient le monde en deux (2) registres. En effet, dans la vie, il y a des choses qui dépendent de nous et il y a des choses qui ne dépendent pas de nous.
Le budget nous étant parvenu in extremis le mardi 25 février pour une manifestation qui devrait commencer le samedi 1er mars, plusieurs groupes ont reçu les billets d’avion en retard. Quelques uns parmi eux sont arrivés en retard. On peut dire que cela dépendait du MASA et de la Côte d’Ivoire de les faire venir à temps. Ce retard a amené deux (2) groupes à renoncer. A nouveau déprogrammation. L’absence de vols directs entre l’Afrique Australe et Abidjan d’une part, entre les pays lusophones et Abidjan d’autre part, ne nous a pas facilité les choses. Il fallu faire transiter le groupe de Madagascar par Paris. Il y a aussi que parfois des artistes du même groupe viennent de pays différents : 2 en Espagne, un au Cameroun, 3 autres en France, etc.
Maintenant, parlons des déprogrammations qui ne dépendaient pas du MASA. Une troupe du Cameroun a raté son avion. Une autre du Cap Vert a vu son vol annulé sans préavis. Une troupe du Mali est arrivée au matin du « jour de son jour », pour parler ivoirien, et le leader principal s’est déclaré trop fatigué pour jouer. Un groupe de Tunisie a jugé la salle de la bourse de travail impropre. On a dû la reprogrammer à la villa Kiyi oú nous avons dû louer du matérield’appoint. Le deuxième jour prévu pour son spectacle coïncidait avec le spectacle de Souleymane Koly à l’Institut Français. Pour éviter un conflit d’agenda chez les professionnels, le spectacle a été déprogrammé par le groupe une 3ème fois.
Monsieur le Directeur général, à dire vrai, est ce qu’à un certain moment vous n’avez pas senti le besoin de jeter l’éponge lorsque le décaissement de la partie ivoirienne tardait à venir ?
Non, à aucun moment. En revanche, j’ai beaucoup réfléchi à qu’est-ce qu’un engagement pour la puissance publique et qu’est-ce qu’un engagement pour un opérateur culturel, pour l’artiste ?
Je n’ai pas songé à jeter l’éponge pour au moins trois raisons.
Dieu merci, ma santé me permet de travailler sous pression, et j’étais conscient que le moindre report aurait bousillé la crédibilité de l’événement et que j’aurais eu du mal à faire venir les professionnels qui s’étaient annoncés.
Et puis, le soutien du Ministre de la Culture ne m’a jamais manqué.
Enfin, avec l’engagement de Royal Air Maroc et de Nescafé d’une part, et avec la contribution de l’Organisation Internationale de la Francophonie qui était arrivée, nous aurions pu faire tout de même un petit MASA.
J’en profite pour rappeler que l’équipe que j’ai eu l’honneur de diriger pendant ce MASA a apporté par le biais des partenariats négociés, environ le tiers du budget.
Professeur, avec un budget de 1,3 milliards FCFA pensiez-vous objectivement qu’il était possible d’organiser cette 8ème édition sans connaître des difficultés comme ce fut le cas ?
Certes ce budget est en deçà des grandes ouvertures et des innovations que nous avons introduites. Par exemple, on n’a prévu que 50 millions pour la communication, et les cachets pour les artistes sélectionnés sont modestes. Mais c’est un budget de sortie de crise. Si nous en avions disposé ne serait que trois (3) mois en avance, on aurait pu obtenir les meilleurs prix pour les billets d’avion, les chambres d’hôtels, les sonos, les cachets des artistes invités
Entre le OFF et le IN qu’est-ce qui vous a donné le plus de satisfaction ?
Pour moi le « In » et le Off ne sont même pas deux (2) faces de la même médaille, c’est seulement deux (2) moments de la même réalité. C’est comme un texte et son contexte. Le Off c’est l’environnement du « In », c’est son enveloppe, sa couleur, sa tonalité. C’est ce qui donne à l’ensemble de la manifestation, son sel et piment, sa vérité, sa signature. Maintenant, vous remarquerez que la relecture des comptes rendu et des commentaires sur cette 8ème édition, révèle très peu de critique sur notre sélection « In » qui était excellente.
Firmin Koto