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Arts plastique: Des icônes de la vie quotidienne

Deny-Louis Colaux | | Arts Visuels

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« Fête de couleurs, poésie de formes souples et allongées – sublime et fascinante célébration des gestes domestiques – rythme allègre, densité rare, sensibilité poignante – palpitations de l’âme et de l’esprit d’une culture – une rencontre sublime avec le ciel, la chaleur, le sang, l’épiderme, le soleil, le souffle, la terre – des archives peintes qui sont à la peinture ce que le poème est à la littérature ».

Rhode Bath-Schéba Makoumbou compose un remarquable reportage onirique sur la vie quotidienne de son pays natal. Un art étonnant qui semble dire comment il est possible d’être à la fois proche de la réalité et du ciel, de la merveille et de l’ordinaire, de la vérité et de la beauté.

L’art de Rhode Bath-Schéba Makoumbou (il faut aussi découvrir ses sculptures monumentales) est également précieux par la façon dont il rend la noblesse du geste utilitaire, sa dignité, sa grâce, par la façon dont il détecte et restitue dans des attitudes qui sont à la fois singulièrement hiératiques et simples, cette part de sacré qui appartient à l’humanité. Ce qui enchante, c’est que cette vision n’affadit pas l’art, elle ne le commet pas, elle ne le vulgarise pas, pas davantage qu’elle ne rend l’existence lyrique. Cette vision crée entre l’art et « la vie pratique » une communication sensible, un point de rencontre palpitant et vital, une entente qu’on pourrait comparer à la rencontre de l’eau et de la graine, une entente ayant pour objet, et pour sujet, l’apparition du brin de la pensée.

Tout ceci encore ne serait qu’une belle tentative si la vision de cette artiste ne produisait quelque chose qui atteint à l’universel. Car cette vision, elle-même issue d’un ancrage en un lieu et d’un voyage dans l’art, est conçue pour voyager. Visiblement et lisiblement africaine, elle est aussi visiblement et lisiblement issue d’une connaissance de l’art, elle est aussi l’oeuvre d’un pèlerin en art. Elle devient le noble produit de deux fidélités : la fidélité au lieu originel, à ses habitants, à ses rituels, à ses splendeurs, à ses misères, à ses rythmes, à sa respiration et la fidélité à une initiation, à une curiosité intellectuelle, à une aventure artistique. Une fois de plus, l’art de combiner sans altérer (l’art, surtout, de faire en sorte que le tout soit plus grand, plus envoûtant, plus saisissant que la somme des parties) s’impose comme un des traits fondamentaux de l’oeuvre. Comme elle conjoint poétiquement l’art et le quotidien, le sacré et le profane, Bath-Schéba associe d’une façon inédite et captivante sa vision africaine et son aventure dans l’histoire de l’art, sa perception de l’art africain et ses découvertes de l’expressionnisme ou du cubisme.

On parlerait à tort, dans le cas de Bath-Schéba, d’un art du métissage. Ici, nous ne sommes pas dans la peinture-fusion, la world-peinture pour pasticher quelques formules en vogue. L’art de Bath-Schéba est indiscutablement africain. Il n’a rien cédé sur ce terrain. Il respire, il embaume l’Afrique. (Au demeurant, parle-t-on jamais de l’art polynésien de Gauguin ?) Non, dans le cas de Bath-Schéba, totalement étranger à un art du cocktail (qui peut, évidemment présenter des agréments), il me semble qu’il faut voir une sorte d’opération alchimique. Je veux parler d’une vision du monde fondée sur les correspondances et « sympathies » unissant macrocosme et microcosme », ainsi que Françoise Bonardel définit l’alchimie dans « La Voie hermétique ». Telle, dans la connaissance actuelle que j’en ai, m’apparaît l’oeuvre de Rhode Bath-Schéba Makoumbou : une vision du monde si harmonieusement conçue qu’elle s’ouvre les portes du monde.

Je vous engage vivement à découvrir cette artiste africaine exceptionnelle qui semble mettre au service de son superbe témoignage pictural une mémoire vive de la peinture contemporaine.

http://www.rhodemakoumbou.eu

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